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oméga-3, mercure et dioxine et décision alimentaire

J’ai l’impression que le français est un peu ambivalent en matière d’alimentation. D’un côté nous sommes le royaume de la Gastronomie, de l’autre nous sommes imprégnés d’angoisses autour de la malbouffe. Les médias ont bien sûr contribué largement en dénonçant les contaminations toxiques. En fait nous sommes simplement / malheureusement / fortuitement désormais au courant. Nous n’ignorons plus ces faits. Comment vivre avec ça ? Trape résumé bien cette notion dans un commentaire sur mon post sur les produits laitiers (et merci à lui !) :

Qu’il était bon le temps ou nous pouvions consommer, dans l’inconscience abyssale des innocents, uniquement pour le goût, un yaourt ou apparenté sans être parasité par l’idée que ça stimule l’ immunité (?) ou que ça va donner un cancer de la prostate (!).

En fait mon sentiment dans ce domaine c’est tout simplement que nous devons être satisfaits de faire des choix plus objectifs. Ma stratégie afin de ne pas vivre dans une contrition alimentaire invivable est de faire des choix positifs plutôt que de se laisser passivement glisser vers un choix moins qualitatif.

Ensuite, je suis persuadé au fil de mes lectures que nous ne pouvons pas échapper aux contaminants, aux toxiques et aux pesticides. Ainsi tout comme nous ne pouvons pas blamer la météo (le ciel est comme il a décidé d’être et puis c’est tout !) cessons de nous turlupiner avec notre alimentation. On ne se stresse pas avec ce que l’on ne peut pas changer. Enfin un autre élément positif est la diminution très sensible du risque bactériologique dans les trente dernières années.

Un exemple d’hésitation fréquente est la consommation de poisson. Du poisson ?  oui pour bénéficier des bonnes graisses mais non je ne veux pas du mercure qu’il récolte au fond de la mer.

La littérature scientifique essaye de nous aider à répondre à cette question, notamment Mozaffarian qui est un habitué du sujet dans un numéro récent du NEJMMercury Exposure and Risk of Cardiovascular Disease in Two U.S. Cohorts. Dans cet article il conclue que l’exposition au mercure (via la consommation de produits de la mer) n’expose pas à un risque cardio-vasculaire majoré, même chez les sujets qui semblent le plus « contaminées » et le moins bien protégées par le sélénium. Les niveaux de mercure qu’il rapportent sont plus élevés que ceux retrouvés chez les français dans une enquête récente de l’INVS : 0,31 μg/g d’ongle chez les hommes américains versus 0,22 μg/g d’ongle chez les hommes français. On est donc rassuré de ce côté là ! L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire va dans le même sens dans son rapport de 2010 sur les interactions entre la consommation de poisson et la santé. Le mercure n’est pas un problème majeur dans la consommation de poisson.

Par contre, la lecture de ce dernier rapport (190 pages, je n’ai pas tout lu je vous l’avoue) nous apprend que la consommation de poisson nous expose à des toxiques issus de notre monde moderne : dioxines et PCB sont malheureusement au rendez-vous. Ces composés chimiques ne sont pas liés à l’aquaculture ou aux modalités de pêche mais à la pollution industrielle de la planète. Donc si vous consommez beaucoup de poissons, les traces de PCB et de dioxines augmenteront dans votre organisme ! L’ANSES nous indique donc dans ses conclusions qu’il vaut mieux manger deux portions de poisson par semaine (par ex un poisson gras style saumon et un poisson blanc plus maigre)  pour satisfaire aux besoins en oméga-3 tout en s’affranchissant du risque toxicologique :

Considérant d’une part :
  • que les poissons constituent une source privilégiée d’acides gras à longue chaîne n-3 (AGPI n-3), de vitamines liposolubles (A, D, E) et hydrosolubles (B6 , B12 ) et de minéraux et oligoéléments (potassium, phosphore, sélénium, iode, fer et zinc) ;
  • que l’effet des AGPI-LC n-3, notamment EPA et DHA, et plus généralement de la consommation de poissons, sur la santé humaine est aujourd’hui bien établi pour ce qui concerne la réduction du risque cardiovasculaire, le développement et le fonctionnement cérébral ;
  • qu’il existe des différences importantes de teneurs en lipides et AGPI-LC n-3 entre les espèces de poissons et selon la saison, la période de reproduction ou l’alimentation des poissons.
Considérant d’autre part :
  • que les poissons sont considérés comme des contributeurs majeurs à l’exposition alimentaire aux dioxines, aux PCB et au MeHg ;
  • que de forts niveaux de contamination en PCB ont été observés dans certaines espèces de poissons dites bioaccumulatrices ;
  • que le système nerveux central est particulièrement vulnérable à l’action toxique des contaminants chimiques et notamment du MeHg et des PCB pendant la période périnatale ;
  • qu’il existe un risque de surexposition aux dioxines, aux PCB et au MeHg élevé chez les enfants ;
  • qu’il existe des différences importantes de niveaux de contamination entre les différentes espèces de poissons et selon leur origine ;
L’Afssa recommande donc à l’ensemble de la population dans le cadre d’une alimentation diversifiée, la consommation de 2 portions de poissons par semaine, dont une à forte teneur en EPA et DHA, en variant les espèces et les lieux d’approvisionnement (sauvage, élevage, lieux de pêche etc…). Cette consommation permet une couverture optimale des besoins en nutriments tout en limitant le risque de surexposition aux contaminants chimiques.
Pour ce qui concerne les femmes en âge de procréer, enceintes ou allaitantes ainsi que les enfants de moins de 3 ans, les fillettes, et les adolescentes, il convient d’éviter, à titre de précaution, la consommation de poissons dits bioaccumulateurs de PCB, notamment anguille, barbeau, brème, carpe et silure.
Pour ce qui concerne les femmes enceintes ou allaitantes et les enfants de moins de 3 ans, il convient, de limiter la consommation de poissons prédateurs sauvages et d’éviter, à titre de précaution, celle d’espadon, marlin, siki, requin et lamproie en raison du risque lié au MeHg.

 

Au total, continuons de manger du poisson mais deux fois par semaine semble suffisant. Pas de frilosité particulière à développer vis à vis du mode pêche ou d’élevage… (on pourra en discuter plus tard.)

Pour vos autres apports en oméga-3 (recommandations AFSSA 2010 : environ 2g/jour) , tournez vous vers l’origine végétale avec l’ALA que vous trouverez dans les noix, son huile, la mâche ou l’huile de colza.

1.
n–3 Fatty Acids in Patients with Cardiac Risk Factors. New England Journal of Medicine [Internet]. 2013 [cited 2013 Aug 22];369(8):780–2. Available from: http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMc1308780
1.
Domingo JL, Bocio A, Martí-Cid R, Llobet JM. Benefits and risks of fish consumption. Toxicology [Internet]. 2007 [cited 2012 Sep 18];230(2–3):227–33. Available from: http://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0300483X06007013
1.
Ralston NVC, Raymond LJ. Dietary selenium’s protective effects against methylmercury toxicity. Toxicology [Internet]. 2010 [cited 2012 Sep 18];278(1):112–23. Available from: http://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0300483X10002490
1.
Martí-Cid R, Bocio A, Llobet JM, Domingo JL. Balancing health benefits and chemical risks associated to dietary habits: RIBEFOOD, a new Internet resource. Toxicology [Internet]. 2008 [cited 2012 Sep 18];244(2–3):242–8. Available from: http://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0300483X0700786X
1.
Mozaffarian D, Shi P, Morris JS, Spiegelman D, Grandjean P, Siscovick DS, et al. Mercury exposure and risk of cardiovascular disease in two US cohorts. New England Journal of Medicine [Internet]. 2011 [cited 2012 Sep 18];364(12):1116–25. Available from: http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1006876

8 réponses sur « oméga-3, mercure et dioxine et décision alimentaire »

Et pour compléter et complexifier la problématique, L’Ifremer, observateur de la ressource halieutique, recommande de faire de moins en moins appel aux poissons, dans nos menus, pour essayer de la préserver. C’est d’autant plus ennuyeux que ces si rares EPA et DHA de nos poissons gras, sont faiblement synthétisés à partir de l’ALA végétal (10% ?). Après le casse-noix, le casse-tête écologique ! Ennuyeux quand on n’aime point trop les noix ou le pourpier…

amusant, j’étais de garde cette nuit avec un collègue soucieux de la Planète qui me faisait exactement la même remarque… Et si on essayait de se relâcher un peu des contraintes contre lesquelles on ne peut rien… peut être que des politiques à grande échelle peuvent avoir un impact sur les ressources halieutiques ? Le rapport de l’ANSES est bon aussi sur ce sujet dans le début du rapport…

« Et si on essayait de se relâcher un peu des contraintes contre lesquelles on ne peut rien »

Là je ne suis pas tout à fait d’accord…..on peut toujours même quand on croit qu’on ne peut rien 🙂

Par contre d’accord, relachons nous. Pas besoin d’être tendu et stressé pour pouvoir même quand on croit qu’on ne peut rien 🙂

Enzo

Je suis d’accord ce n’est pas facile. En fait, si tu n’as pas ton potager, ton verger, tes poules, tes deux cochons au fond du jardin et deux ou trois autres bricoles…pas facile.

Sinon, maitriser, personne ne le peut. Le 100% encore moins.
Par contre, tendre vers le mieux et savoir que l’on peut même quand tout laisse penser que l’on ne peut rien y faire, c’est, à mes yeux, un assez bon cheminement.

Enzo

Info à faire circuler en particulier auprès des femmes enceintes adeptes des régimes poissons+légumes … sinon on fait quoi avec les ampoules à économie d’énergie quand elles pètent dans la chambre de bébé et diffuse leur petite vapeur mercuriel ? Zavez une idée … bébé ou la planète … ? (sans compter à tout ceux qui jetteront négligemment les ampoules usées n’importe où … certainement plus nombreux qu’on le pense …)

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