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Pong

Les blocs opératoires sont régulièrement souillés par des conflits interpersonnels sans intérêt. Ca me choque, j’ai besoin de vous en parler, je repars donc un post brut de décoffrage en mode caliméro.

Appendicectomie à faire en urgence. C’est le matin, tout le monde est frais, easy. Patient de 16 ans, 70 kg, RAS à part appendicitounette (un petit scanner pour irradier à pas cher au passage.)

J’aime bien ces petits blocs simples, je les chouchoute. Les jeunes sont souvent stressés : je lui administre pleins de bonnes choses et le patient semble profondément endormi : 50 de fréquence, 75 de pression artérielle systolique, pupilles RAS, bref, gros dodo.Je prends l’échographe pour repérer les nerfs qui innervent cette zone de l’abdomen pour une analgésie optimale.

Je pars endormir dans une autre salle.

L’infirmier anesthésiste qui avait démarré ce bloc avec moi m’appelle 40 minutes après. Le chir est furax parce qu’il n’arrive pas à fermer 5 cm d’incision.Je check le scope : 52 de FC, PAs toujours dans les chaussettes, pupilles idem. Hum. Et il gueule, et il nous traite de nuls, qu’on ne sait pas endormir les patients, pire qu’on ne sait JAMAIS endormir les patients. Que c’est toujours la même histoire et bla bla rebla. Je manque de m’étrangler, une appendoc, c’est si complexe, j’ai du louper ce chapitre du Harrison.

Dans ces moments là, je suis nul. Je n’ai jamais fait de sport de combat. Je suis plus fort pour esquiver ou courir vite que pour mettre des coups de poing dans la gueule (quand j’y réfléchis je pense que je n’ai jamais fait ça en fait). L’IADE aussi choisi la fuite, blessé et en colère, il quitte le bloc. J’essaye d’expliquer que là le patient me semble quand même très profondément endormi, que je peux difficilement l’endormir plus à moins de viser une tension négative. Pas top. Et le naze beugle toujours.

Bon, y’a pas je vais devoir faire un truc moche : utilisation d’un curare en fin d’intervention. Nul, dangereux mais difficile de s’en sortir autrement à mes yeux. Je comprends que le métier de chirurgien est difficile, je ne sais pas faire ce qu’ils font et lorsqu’ils sont à peu près aimables, je suis plutôt admiratif. Mais face à des mecs qui pataugent dans deux cm d’incision, je ne sais pas quoi penser… Bon si on peut aider quand c’est complexe, c’est tout ce qu’on demande quoi ! Si on cause entre soignants tranquillement est-ce si compliqué ?

Avant d’enchaîner la suite, j’ai demandé à un collègue de reprendre la suite, d’échanger nos salles d’intervention parce que sinon les patients allaient en pâtir.

A posteriori j’analyse pleins de choses mais sur le vif, je n’y arrive pas. J’aimerais détecter dans l’instant les situations explosives et prendre le contre-pied parfait. Je rêve d’afficher alors un flegme imperturbable, de sourire et de parler très doucement, comme à un enfant qui fait une colère…

J’aimerais développer des capacités de communication, de désamorçage de conflit.  Connaissez vous sérieusement des formations solides dans le domaine ? Des pros de l’analyse transactionnelle ciblés médecine ?

14 réponses sur « Pong »

La chirurgie est totalement anachronique. Trop de responsabilité, sur un protagoniste, seul. C’est à contre courant de qu’est devenue la médecine moderne, non?
Un chirurgien qui gueule, c’est un mammouth qui flippe sur le réchauffement climatique et la fin de l’aire glacière: ça fait un peu peur, mais surtout très triste…

Mais moi je ne suis pas gêné de partager des responsabilités.

Mais un scandale pour fermer un McBurney : wtf ???

Le 19 mars 2012 à 20:31, « Disqus » a écrit :

« Analyse transactionnelle ciblée de médecine »? Je crois que tu t’es gouré de carrefour dès le début, là.
Moi, j’ADOOORRE ce genre de connard. C’est mon petit quatre heures. Je n’en croise plus guère, c’est fort dommage. Mais je kifferais assez d’en retrouver un.
Envoie-le moi, j’lui ciblerai transannalement mon analyse. En éteignant la lumière par exemple, vu que les enfants dorment mieux dans le noir.

Non mais.

Quoi qu’en dise John Snow, si la formation continue vous tente, voyez du coté de la « négociation raisonnée ». Il s’agit d’une méthode issue de celle utilisée lors des négociations de Camp David sous Jimmy Carter.
Tout repose sur le postulat que chacun des protagonistes est de bonne foi, mais campe sur ses positions parce qu’il se braque sur la méthode au lieu de se focaliser sur le but à atteindre. Il s’agit d’être « gagnant-gagnant ».
Sinon, vous avez des formations de type « gestion des conflits ».
Dans les deux cas, il faut y croire …

 Il y a de bonnes techniques de sotions des conflits dans les thérapies brèves, en particulier la position basse et qui déstabilise bien les narcissico-parano qui marche pas trop mal mais y en a d’autres
Yves Doutrelugne et Professeur Olivier Cottencin: Thérapies brèves:
Principes et outils pratiques; Collection Pratiques en Psychothérapie,
Editions elsevier Masson, Paris 2005

pas très bien compris, la curarisation sur de la chirurgie abdominale c’est toujours obligatoire ou c’est de la chirurgie à l’ancienne et actuellement on essaie de s’en passer ?
pas compris non plus ce que devait être l’analyse transactionnelle, mais ça je ne veux pas savoir ce que c’est 🙂

La curarisation sert à 2 choses. 
La première, à faciliter les conditions d’intubation quand celle-ci est nécessaire en créant un relâchement de de la filière pharyngo-laryngée: pour cette phase, on utilise donc fréquemment les curares. 
Secondairement et si la chirurgie l’exige, le relâchement musculaire peut être utile dans l’indication « facilitation du geste chirurgical ». En coeliochirurgie par exemple, la paroi abdominale doit être parfaitement distensible pour maximiser le pneumopéritoine artificiel. En laparotomie classique, une curarisation peut être utile à la fermeture quand la paroi se retend: le volume intrapéritonéal se restreint, les anses digestives fuient comme des anguilles à travers l’incision en cours de fermeture. 
Le problème, c’est que la curarisation conditionne le temps d’anesthésie ensuite. Le chirurgien ferme plus vite certes, mais le patient reste en salle le temps d’éliminer son curare: Le temps gagné ne l’est que pour le chirurgien qui va ensuite faire pression sur l’anesthésiste pour vider la salle. La boucle est bouclée.

L’analyse transactionnelle, connais pas non plus. Et m’étonnerait également qu’on puisse faire avaler un terme aussi barbare à un chirurgien. De plus pour être parfaitement honnête, j’ajouterais que dans ce genre de situations personne n’est de bonne foi. 

Tu as tout très bien expliqué.

Simplement, habituellement un bon TAP block, même chez un jeune, facilite encore le relâchement musculaire à mon sens.

Et ça me gonfle d’utiliser encore des produits et de prendre encore des risques pour le patient alors que si l’intervention (pour une appendicite simple = comprendre qu’on n’avait pas besoin d’opérer) avait été plus courte on n’en serait pas arrivé là.

Bref des gamineries de cour d’école comme on en voit tous les jours. Simplement je déplors que l’on n’est pas parfois un peu plus d’humanité dans les discussions médicales. Celui qui gueule c’est celui qui a tort disait un de mes patrons. Je ne crois pas et je n’ai pas envie de jouer le jeu animal du con qui gueulera le plus fort, c’est désagréable et pas constructif. Seulement c’est vachement difficile pour moi de s’adapter rapidement pour prendre le contre-pied.

Bref, de toute façon on est toujours le con d’un autre 😉

J’avais raté ce post.
Dans des conditions grossièrement similaires, d’expérience, le placebo marche pas mal : j’ai vu l’anesthésiste injecter quelque chose à la vue du chirurgien, en râlant comme un porc sur la curarisation. Deux minutes après, le temps que le curare fasse effet, l’opérateur était content, la paroi était souple.
Vingt minutes après, tous les anesth du bloc se faisaient pipi dessus en se racontant l’histoire : le « curare », c’était du phy.

ouais ouais cette blague est un énOOOOOrme classique.

sans injecter du phy, on réinjecte volontier du propofol en fin d’intervention, c’est myorelaxant et ça permet parfois d’éviter de réinjecter du curare…

en fait il y a aussi en filigrane le fait que ça me gonfle de travailler avec des mecs qui n’ont pour recrutement que les déments de l’établissement de long séjour et qui font pipi partout pour opérer à 7h43 une appendoc non urgente… voilà tout, je comprends mieux le stress de la chirurgie en milieu U et donc j’encaisse mieux la rudesse chirurgicale en mode U que pour des broutilles…

En conclusion on a une nouvelle fois vérifié qu’on n’a pas de problème dans les blocs avec les mecs qui font leur taf simplement, correctement et efficacement et qu’on est toujours emmerdé par les mecs paranos craintifs qui font peu…

[…] Bon, y’a pas je vais devoir faire un truc moche : utilisation d’un curare en fin d’intervention. Nul, dangereux mais difficile de s’en sortir autrement à mes yeux. Je comprends que le métier de chirurgien est difficile, je ne sais pas faire ce qu’ils font et lorsqu’ils sont à peu près aimables, je suis plutôt admiratif. Mais face à des mecs qui pataugent dans deux cm d’incision, je ne sais pas quoi penser… Bon si on peut aider quand c’est complexe, c’est tout ce qu’on demande quoi ! Si on cause entre soignants tranquillement est-ce si compliqué ? Avant d’enchaîner la suite, j’ai demandé à un collègue de reprendre la suite, d’échanger nos salles d’intervention parce que sinon les patients allaient en pâtir. Pong | nfkb's blog […]

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