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Une anecdote sur l’allergie pénicilline

Je me suis occupé récemment d’une patiente avec une maladie de Widal. L’interrogatoire apporte la notion d’une allergie à l’amoxicilline avec une réaction de grade 3. L’histoire est celle d’un choc anaphylactique survenant rapidement après une prise d’AUGMENTIN avec hospitalisation et Ig-E spécifique positive. Ça change du « ma mère m’a dit que j’étais allergique à la pénicilline depuis que je suis bébé ».

Je suis sensible à ce sujet, je travaille activement à enlever tant que possible les étiquettes d’allergie à la pénicilline.

Je commence à ruminer sur l’antibioprophylaxie pour l’intervention, une ethmoïdectomie par voie endonasale. Et je tombe dans une boucle mentale sur la céfazoline. Vais je en injecter comme antibioprophylaxie ?

Classiquement, la céfazoline ne croise pas avec les autres médicaments de la classe des béta-lactamines et c’est la molécule recommandée en première intention par nos protocoles locaux.

Je ne sais pas comment exprimer mon envie complètement conne d’injecter de la céfazoline comme un moyen de promouvoir mes petites connaissances sur le sujet. Mon cerveau contre-attaque en disant que ça rendra service à la patiente de se savoir tolérant à la céfazoline s’il y a d’autres opérations (ce qui est probable avec sa maladie de fond). Mon expert local me dit que je n’aurais pas de consultation d’allergologie dans des délais courts et que la céfazoline lui parait safe. Je cherche d’autres avis sur Twitter et là ils sont beaucoup plus décourageants :

Heureusement pour tout le monde, il se passe quand même plusieurs jours entre mes ruminations mentales et l’opération. Le temps de laisser décanter et de réfléchir sur mon égo et ses réflexions biaisées.

Je sors de mes idées tordues en imaginant le pire : si la patiente fait la moindre complication, je serais vraiment le plus mauvais médecin de la terre et personne ne pourra entendre mon argument théorique face à l’émotion d’une complication chez une patiente stable, comprenant très bien sa situation et sa pathologie. Il me faut plus du temps pour rendre service à cette patiente et je ne dois le prendre, pas de précipitation.

Un argument final me convaincra d’injecter l’alternative à la céfazoline recommandée par nos protocoles locaux : la crainte du médico-légal. Les analyses d’expert étant parfois assez binaire, ça serait jouer à la roulette russe avec la vie de quelqu’un d’autre (inacceptable) et avec la mienne (inacceptable en pleine lecture de Skin in the game de Taleb 😉

Finalement, l’opération s’est très bien déroulée avec la clindamycine et j’ai remis un courrier à la patiente pour une mission qui j’espère lui rendra service : aller chez l’allergologue ! J’ai donc écrit ça :

Je m’occupe ce jour au bloc opératoire de *** , âgée de **
ans qui est opéré de EEN
Dans ses antécédents, on note :
– Polypose nasale (Widal)
J’ai bien noté dans les antécédents une réaction allergique de grade III avec l’amoxicilline. Aujourd’hui, j’ai injecté au bloc opératoire une antibioprophylaxie à type de clindamycine 900 mg qui a été bien tolérée. La céfazoline était probablement une alternative viable car la céfazoline n’a pas de chaîne latérale commune avec l’amoxicilline dans sa conformation chimique mais le rapport bénéfice/risque m’obligeait à l’utilisation de la clindamycine conformément à nos recommandations locales pour une antibioprophylaxie chirugicale. Il est possible qu’à l’avenir, Mme *** ait besoin d’une nouvelle antibiothérapie et peut être d’une autre antibioprophylaxie chirurgicale. Ainsi, je pense qu’il est souhaitable qu’il ait à froid, des tests allergologiques vis-à-vis de différentes molécules de la famille des bétalactamines dont la céfazoline et la ceftriaxone.
En vous remerciant de ce que vous ferez pour elle,

 

Voilà, je vous témoigner de ma connerie, en partie victime d’une sorte d’effet Dunning-Kruger, en partie pur dérapage dans les graviers.

3 réponses sur « Une anecdote sur l’allergie pénicilline »

Ma mère est décédée d’un choc anaphylactique pendant une ethmoïdectomie (chirurgie ambulatoire, d’une durée de 15mn)…

Votre article a donc suscité fortement mon intérêt même si vos interrogations ne sont pas les mêmes que les miennes.

Son anesthésiste accepta l’intervention qq mn avant l’entrée au bloc (lecture du dossier médical et pré-anesthésique?).
N.B : Pour info, le praticien n’avait jamais assisté de chir ORL ; il travaillait principalement en urologie.

L’établissement ne disposait pas de protocole relatif à la prophylaxie antibio peropératoire.

Concernant la patiente et ses ATCD: 64ans, elle n’avait pas d’allergie connues, avait subi plusieurs chir (IVG / thyroïdectomie+ curage ganglionnaire=>7 h d’intervention ! / ablation de la vésicule biliaire/ confiscation du col utérin/ hépatite / toxique aux antipaludéens / patiente en légère hypothyroïdie et sous bêta -bloquants- csq de la thyroïdectomie).

La chirurgie devait enrayer des sinusites chroniques, devenant de + en+ invalidantes,(suite à l’ échec d’un traitement médicamenteux)
Quelques jours (~10j) avant la chirurgie prévue , la patiente a présenté une inflammation de la face (mais sons signes infectieux)=>après un passage aux urgences, un interne l’avait donc plaçé la patiente sous Augmentin (par précaution, malgré l’absence de signes objectifs d’infection).

Le jour de la chirurgie, la patiente a reçu une prophylaxie antibiotique de 2g d’Augmentin et 4 g de Céfazoline ???
(Lors de la RMM, l’anesthésiste n’a pas jugé nécessaire d’être présent, à noter que ce dernier jugé responsable d’homicide involontaire par 2 Cour Pénales, étant passé à côté du syndrome de bas débit-qui commenca après la pose des perf/ administration des traitements d’induction et antibiotiques- qui ont inauguré l’état de choc et l’ACR, selon l’interprétation des experts anesthésiste-réanimateur et toxicologigue mandatés sur l’affaire).

Étant donné votre esprit curieux et analytique sur votre pratique quotidienne, pourriez-vous m’éclairer sur la pratique de cet anesthésiste en ce qui concerne le choix de sa prophylaxie antibio.
En effet, je n’arrive pas à percevoir la pertinence d’une bi-thérapie et des posologies aussi élevées ( pour la Céfazoline :4g) pour une intervention ORL courte de 15 mn et sans risque infectieux spécifique ???
N.B: l’expert toxicologue a estimé que l’anaphylaxie n’a pas pu être provoquée par l’Augmentin, la forme IV étant similaire à la forme PO.

Je vous remercie par avance pour l’aide que vous pourrez m’apporter.
Je vous prie d’agréer l’expression de mes salutations respectueuses.
Bien Cordialement,
R.P

Bonjour Madame,
je suis désolé pour votre mère.
Même si j’aimerais sincèrement vous aider, Internet n’est pas le lieu pour ça, et il n’est éthiquement pas concevable d’utiliser ma parole médicale pour répondre à vos interrogations.

Bonjour Madame,

Je vous remercie d’avoir pris le temps de me répondre.

Je vous souhaite de tout cœur de ne jamais tomber vous ou l’un de vos proches sur un praticien tel que celui qui s’est occupé de ma mère.

Personnellement, je n’aurai jamais utilisé votre parole ou vos propos, j’avais juste besoin de comprendre ( d’autant plus que le témoignage seul de l’expert est accablant, mais ne répond pas à toutes mes interrogations)…
Par ailleurs, étant IDE, étonnamment (ou pas !)j’éprouve comme une nécessité de comprendre ce qu’il est arrivé.

Heureusement, certains de vos confrères, comprennent peut être davantage ma démarche et m’ont fourni des explications sur plusieurs sujets (y compris sur internet sans trahir leur serment, rassurez-vous).
Pour tout vous dire, l’un d’eux m’a même mis en contact avec le Défenseur des Droits, ami proche de la vice présidente du conseil national de l’ordre des médecins et m’a permis de comprendre que le praticien s’étant occupé de ma mère n’avait (officieusement) pas eu son diplôme de façon légale (tout ceci s’étant passé à l’étranger et il y a bien longtemps)…

Bref, loin de moi l’idée de vous mettre dans l’embarras, désolée si vous l’avez perçu de cette façon.
Excellent weekend à vous et vos proches.

N.B: Et à l’instant (peut être un peu de chance), un de vos confrères infectiologue viens de me répondre, pour lui le protocole standard est de l’Augmentin à 2g le jour de l’intervention et 3j après.
Au moins, j’ai un avis, c’est tout ce que je demandais.

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