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Le train norvégien

Depuis 1 an, les triathlètes norvégiens sont en haut de l’affiche. Gustav Iden et Christian Blummenfelt prennent toute la lumière et les médailles. C’est marquant car ils s’entrainent à deux depuis des années et après les jeux olympiques de Rio, le coach Olav Alexander Bu a pris en main leurs entraînements en s’appuyant sur énormément de données physiologiques. Comme ils sont couronnés de succès et paraissent (aujourd’hui) invincibles, tout le monde du triathlon cherche à comprendre les clés de leurs succès. Du coup, comme en plus ils ne sont pas les derniers à s’engager dans le sport business, on les voit beaucoup dans les médias. Je me suis enchainé pas mal d’interviews pour essayer de comprendre et espérer trouver des choses applicables pour les amateurs comme moi.

Commençons par le commencement, ces athlètes n’arrivent pas là par hasard. Ça fait plus de 15 ans d’entraînements réguliers en endurance. En matière de base d’endurance, vous êtes servis.

Ensuite, quand j’écoute les propos d’Olav Alexander Bu, j’ai du mal à retenir des choses précises qui soient transférables (il est prudent dans ses propos) mais j’ai quand même noté quelques grands principes que j’aimerais discuter avec vous.

  • Contrairement au vélo professionnel, il n’y a pas de focus sur le rapport poids/puissance. On est tous frappé par l’aspect costaud de Kristian Blummenfelt. Olav Bu rappelle que de façon factuelle « Blu » a toujours mieux performé à des poids élevés que lorsqu’ils ont essayé de maintenir un poids bas. Dans le triathlon, le contrôle du poids n’est pas aussi important qu’en cyclisme ou en course à pied longue distance. Plus important : on a besoin d’un max d’énergie pour faire beaucoup d’entraînement et développer des adaptations. Dès qu’on est en dette calorique, c’est la porte ouvertes aux problèmes. Notez comme Iden et Blu ont eu peu de blessures ces dernières années. Pas de suppléments magiques of course, pas de régime spécial.
  • La technologie est là pour adapté individuellement les entraînements. Lorsque j’ai fait mes premières mesures de lactatémie, j’ai compris que je pouvais aller un peu plus loin que je ne pensais en endurance. L’étape d’après serait de trouver pour moi quels sont mes lactatémies clés et si j’étais vraiment maximaliste sur la méthode, comprendre comment de la fatigue (prétravail natation ou vélo avant test métabolique vélo ou running) affecte les lactatémies… C’est clair qu’ils savent ce qu’ils font, ils ont compris comme la déplétion en glycogène, l’altitude ou la fatigue affectent la lactatémie de leurs athlètes et adaptent les entraînements pour que les athlètes continuent de passer le plus de temps possible dans les intensités qu’ils estiment être les plus efficaces pour travailler telle ou telle aptitude à un instant t.
  • En matière de technologie, ils ont vraiment accès à beaucoup de tech : eau doublement marquée, NIRS, calorimétrie, sondes Pitot, et les appareils accessibles au public. J’ai souri quand j’ai entendu qu’il ne tirait pas grand chose de la glycémie capillaire en continu. #gniark Par contre ils ne perdent pas leur temps avec des gadgets de récupération : ils mangent et ils dorment !
  • Ils font beaucoup d’entraînement en altitude : Font-Romeu et Sierra Nevada notamment. Voilà clairement un truc pas transférable pour un amateur. Ce que j’y vois c’est qu’ils sont déjà tellement avancés dans leurs extraordinaires physiologies, qu’il faut des stimuli supplémentaires pour générer des adaptations, l’altitude et probablement de l’entraînement avec de la chaleur font partis des stress supplémentaires qu’ils ajoutent pour déclencher une surcompensation.
  • Plus difficile pour moi ce sont les propos sur le choix des allures de travail. L’éternel débat sur la distribution de l’entraînement… D’après les gars qui fouillent leurs données Strava, il y a un gros volume en entraînement super facile, c’est leur bread and butter mais comment appliquer ça à un amateur, c’est un mystère pour moi.

 

  • Plus différenciant, ils semblent faire plus de travail à allure course voire du seuil pour les courses plus courtes (format olympique) et ils s’éloignent ainsi du classique modèle polarisé pourtant né en Norvège. On pourrait concilier les deux visions avec des propos récents de Stephen Seiler qui dit voir plutôt les choses sous formes « binaire » : soit c’est facile et on récupère vite de la séance soit c’est une séance dure (par son intensité ou sa durée) et on mettra du temps à récupérer de celle-ci. Je ne connais pas le détails de leurs entraînements mais je ne les imagine pas se cramer à enchainer les séances au deuxième seuil ventilatoire/MLSS. Pour les amateurs qui font des épreuves de longues durées (j’imagine l’audience étant plutôt représentée par des amateurs faisant 70;3 et full IM), Olav bu est assez clair dans ses interviews : pourquoi développer la partie gauche de son profil de puissance alors qu’on n’a pas besoin de ça en course ? Si j’ai du mal à transférer clairement ça pour moi, je comprends que travailler des points faibles est probablement ce qui pourrait me faire le plus progresser. Et pour trouver les points faibles, peut-être faut il commencer par repérer les points forts… de plus, tout ça me fait m’interroger dans le transfert des études scientifiques. Si nous sommes nombreux à s’être coltiné des séances de 4×8 min ou 3×15/30/15 suite à des travaux qui montraient bien l’amélioration de VO2max, je suis chagriné par les objectifs testés par ces travaux. D’un côté je comprends qu’il s’agit de repères classiques permettant des comparaisons, d’un autre côté je suis marri par le fait qu’une VO2max plus élevée de quelques points ne traduira pas forcément une allure course plus élevée… en effet l’allure course sur le triathlon longue distance est tout de même assez éloignée de la VO2max, entre 52 et 62% pour moi à peu près si je réfléchis en puissance. Par contre, peut-être qu’on peu devenir plus efficient en bossant souvent les allures courses ?
  • Sur le même sujet, et là aussi peu transférable pour les amateurs : pourquoi essayer de développer VO2max quand ils sont déjà parmi les plus gros moteurs du sport ? Trop risqué d’aller chercher d’infime progrès au prix de gros efforts mettant à risque l’entraînement suivant ou l’intégrité physique (risque infectieux, blessure) ?
  • Autre truc que je perçois via la réseaux sociaux c’est qu’ils se marrent ! Dès qu’ils peuvent ils font une blague… est-ce que c’est naturel pour eux de faire ressortir des trucs sur les RS pour que les sponsors soient contents ? est-e qu’ils ont la déconnade facile ? En tout cas, ils ont l’air plus gais qu’un paquet de cyclistes pros… Ils ont confiance dans ce qu’ils font, ne regardent pas trop ce que font les autres et tracent leur route !
  • La blague : vaut mieux porter sa montre à gauche pour performer à Kona 😉

PS dans une vidéo de Mikal Iden, Kristian les nomme le TGV bleu. Ca m’a fait soulever un sourcil car le train bleu, c’était l’US Postal.

12 réponses sur « Le train norvégien »

il est horrible ton billet pour quelqu’un comme moi que se perd facilement dans la pseudo science de l’entrainement 🙂
désolé si ça donne un commentaire « fourre tout » !
(et qui sors juste d’une série d’intervalles de PMA pour booster ma vo2)

Je me méfie beaucoup du recopiage des séances des pros (mais j’essaye car je suis curieux).
C’est souvent trop dur, et surtout, isoler une séance ne fait pas de sens. C’est l’enchainement qui provoque les adaptations. Mais si tu pousses trop fort, tu ne peux pas enchainer. Mais ce n’est parfois pas facile de ralentir, de se freiner.

Avec mon expérience, ce qui semble marcher pour moi (sur trail long. pour le reste, j’ai moins de repères, et sur marathon je ne suis pas sûr d’avoir trouvé) c’est un approche surement classique :
– travailler la cylindrée (du seuil donc, assez haut vers sv2 mais pas plus sinon difficile d’enchainer)
– travailler l’allure spécifique sur la fatigue pour gagner en économie de course (application directe : footing à 10km/h en forêt pour une prépa saintélyon, ecotrail).
C’est lent par rapport à tes norvégiens, mais normal car je ne suis pas un champion. S’ils bossent beaucoup ce niveau d’effort, ça me semble normal que ça rigole plus, car ce n’est pas très difficile.

je vais retenir qu’il faut trouver ses repères d’entrainement (comme tu le fais avec les lactates, même si je ne comprends pas grand chose). Pour moi c’est en FC (seuils ventil issus de test d’effort) et puissance en vélo.
Quand on a ça, c’est génial car on peut bosser n’importe où (altitude, chaleur), n’importe comment (course, vélo)

Après il ne suffit que de dormir pour assimiler !

A explorer, un jour peut-être : musculation lourde, pour aller plus loin que l’endurance de force avec un sur braquet en vélo)

attends c’est pas fini, je suis en train de mouliner dans ma tête les notes de Marius Bekken http://www.mariusbakken.com/the-norwegian-model.html ahahah vous allez en remanger !

bien sûr que je suis un amateur avec un peu d’activités à côté du sport, mais ce qui me plait dans tout ça c’est comprendre pourquoi. Je n’ai pas encore compris.

De ce que je comprends, il ont de toute façon un très gros moteur (process de sélection en amont, >10 000 heures d’entraînement.
Ce qu’ils cherchent à faire c’est pousser leur deuxième seuil ventilatoire vers la droite le plus près possible de la VO2max. C’est ce que Mader et Olbrecht et plus globalement l’école de Cologne appelleraient aerobic power.
En repoussant ça, ils deviennent économe en glycogène à allure course. L’un des nerfs de la guerre c’est l’énergie. Je sais on nous bassine avec ça, mais là encore c’est le cas !!

Ce que je ne capte pas bien, c’est pourquoi ce travail de sub seuil est si bien absorbé par eux ? Deux pistes pour comprendre : ils ont une clairance du lactate très élevée par leurs énormes mitochondries dans les fibres lentes avec des transporteurs MCT 4 démentiels ; ils font des intervalles courts, ils se baladent autour de 2-3 de lactatémie mais ça ne dérive pas et leurs fibres lentes absorbent tout ça. Choses qui se font beaucoup moins bien chez des athlètes moyens qui n’ont pas la machinerie aérobie pour siphonner le lactate comme eux + athlètes moyens bossent du seuil/sweet spot pendant genre 2×20 min 2×30 min, pendant qu’eux font des 4×10 min, 4×5 min, 5X6 min etc.

Sur ton utilisation des épreuves d’effort, je suis content que tu apprécies tes repères. Mais j’appelle les autres à la prudence car il y a plein d’épreuves d’efforts qui sont faites avec des protocoles de cardio pour trouver VO2max, peut être capter SV2 grâce à VO2/VCO2 mais je pense personnellement que les paliers sont souvent trop courts pour nous et notamment pour se servir d’une zone étroite de FC comme d’un point tournant. Bon, après avec l’habitude on sait interpoler avec sensations+souffle+FC pour se dire qu’on est bien calé.
Ensuite sur l’environnement, c’est justement là où la FC peut être découplée de tes mesures de labos, on est des amateurs donc bon OSEF mais pour l’amour des sciences du sport, je fais le pointilleux !

Génial ton article! J’en ai profité pour découvrir ton blog, top.
Je me méfie toujours du transfert de bonnes pratiques from Élite to gonze like me avec 10h/semaine.
T’as essayé de restreindre ton volume (qui je suppose se rapproche du miens) avec focus +++ sur SV1 pour décaler d’abord ce premier seuil avant de travailler sur le deuxième ?

Merci 🙂

C’est le focus de cette fin 2022, focus muscu et endurance en ce moment et nov décembre devrait être focalisé sur cette fameuse Z2. Mais si à pied ça passe bien, en vélo je trouve ça dur (preuve en est que c’est une zone où j’ai une marge de progrès)

Mais oui. C’est dur car c’est chiant. Aussi, comme je suis une bille en physio, avoir des blogeurs qui vulgarisent les adaptations qui s’opèrent en Z2 m’aide à pas me foudre en Tempo dès le premier quart d’heure, surtout après des journées de boulot tableau.excel PowerPoint. A ce titre, des blocs gratis comme le tiens ou celui d’Alban Lorenzini, c’est un pur bonheur aussi un Immmense Merci
J’en profite d’ailleurs pour te poser une petite question sur la Lactatemie. Les appareils portatifs peuvent-ils être loué quelque part ou faut absolument acheter. J’aimerai bien me faire du testing poir confirmer le range Z2 mais ça m’embête d’acheter un truc que je vais utiliser si ponctuellement. ThanX

Salut

Je n’ai pas trouvé de location. J’ai acheté.
Alban va peut être monter le business ?
Après si tu te connais et que tu es dans cette zone où tu peux parler mais que t’as pas envie parce que c’est soutenu tu es proche de la bonne zone

j’aime bien l’approche on/off de ton copain Seilier.
Appliquée à mon modeste niveau et conscient de l’arrivée de la vieillesse, c’est all in sur une séance de CAP, et tout doux après sur le vélo.
L’enchainement des séances en courant ne se fait pas trop aux hautes intensités sous peine de tout casser.

Je reviens aussi sur ton dada des 4×8. j’ai l’impression que tu mesures ta progression (uniquement) au sein des 4×8, et pas sur un test indépendant (une course, un tour étalon, ou un combo test PMA par palier + Coggan.
Et je trouve que ça fait un sacré biais.

Est-ce que tu as fait un cycle identique de 3x13x30/15 pour comparer ?

Salut Julien,

je trouve ça aussi intéressant cette dichotomie séance après laquelle je vais vite récupérer / séance qui va me prendre du temps à récupérer. Mais je trouve ça difficile à appliquer, surtout en triathlon où tu vas chercher à un moment ou un autre des améliorations dans 3 disciplines.
Ma piste actuelle depuis une quinzaine de jours que je réfléchis au succès norvégien, c’est d’enchaîner pleins de type d’exos différents pour « surprendre » le corps. Mais pour enchaîner, je ne fais que saupoudrer de difficulté (ex aujourd’hui, 3200 m de nat dont seulement 2×300 intenses) donc j’espère que ça reste facile à assimiler. Je ne sais pas du tout si le stimulus génèrera des adaptations efficaces sur le plan sportif, mais ça m’apporte du plaisir, alors rien que pour ça je prends !

Concernant le 4×8 min, c’est un dada c’est vrai. Je te redis en quelques mots ce qui me plait
* étude avec plus de 60 athlètes qui me ressemble sur le papier, ça veut peut être dire quelque chose de « pratique/réel »
* comme plein de gens, j’aime bien le côté exercice extrême dont tu sors bien fatigué, c’est dangereux, mais sur le coup ça me remplit d’hormones bonnes pour mon moral

Effectivement, je n’ai pas benchmarké avec un test classique, mais j’ai noté toutes ces séances, et le ressenti et les chiffres allaient dans le bon sens. Mais tu as un bon point, et j’en parle aussi dans la note, finalement dans le monde de la compétition il n’y a que le chrono en compétition qui compte, et ça serait ça l’outcome dur à viser dans un travail de recherche.
Par contre, en matière d’outcome mou, moi ce que je cherche dans toute cette débauche de sport, ça n’est pas un chrono en compétition, ça n’est pas un corps comme ci ou comme ça, ça n’est pas le contrôle du poids, c’est surtout ces petits moments magiques (et trop rares) où tu te sens plus fort. Ca n’est souvent que quelques pour-cents de progrès sur une mesure objective mais ce que je cherche c’est le ressenti. Se sentir fort dans une séance dure c’est ce qui me plait.

Est-ce que tu as vérifié que leurs mères n’étaient pas cousines ? (Je cherche l’origine de ces mitochondries siphoneuses de lactates)

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