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Liège Bastogne Liège 2022

Cinq ans après mon abandon et 2 ans de COVID plus tard j’ai enfin fait Liège Bastogne Liège et grimpé les bosses mythiques. Je me suis inscrit en 2019 et je me souviens très bien du moment de février 2020 où on évoquait de façon tout à fait extraordinaire le fait que l’épreuve puisse être annulée avec toutes les incertitudes que le Sars-CoV2 déclenchait… et effectivement l’épreuve n’a pas eu lieu, ni en 2020, ni en 2021.

Bien que l’épreuve ne m’excitait pas plus que ça, j’étais content d’avoir un événement sportif sur mon calendrier. Le fait que ça soit un peu par défaut collait bien avec mon état d’esprit sportif du moment car j’avais envie de me focaliser sur le vélo où j’ai plus de facilité. Je peine un peu à trouver une routine positive ces derniers mois et la distance et le dénivelé de LBL me rappelaient qu’il fallait que je mange une bonne tartine de  vélo avant le 23 avril 2022. J’ai donc décidé de me simplifier l’esprit et de ne faire que du vélo en ce début d’année. J’arrivais assez  bien à faire des longues sorties (motivé pour chercher des petits carrés) et je me sentais progresser, surtout mentalement je dirais. Par contre, il ne se passait pas une sortie où je ne me faisais pas peur à cause d’automobilistes débiles qui m’ont mis en danger et ça va me marquer.

Question logistique, j’ai eu des rebondissements plus ou moins marrants. Normalement, j’essaye d’être assez organisé pour ne pas avoir de stress de dernière minute avec les grosses épreuves sportives. J’avais donc réservé il y a longtemps une chambre à Liège près de la zone de départ/arrivée historique à Liège. Peu de temps après, j’apprends que ça ne partira pas de Liège, je me laisse un peu de temps pour réfléchir car j’attends des nouvelles d’un copain de vélo qui voudrait venir avec moi… Début Avril, pas de pot je chope un sale covid qui me déglingue. D’autant plus rageant que j’ai toujours un FFP2 au travail et que je ne sors pas… enfin bon, je mets à profit le temps au repos forcé pour boucler ma préparation de la logistique pour Liège.

Je me souviens que le propriétaire du logement Airbnb à Liège m’avait contacté, je tape « liège » dans mes contacts et je vois un numéro belge. J’envoie un SMS pour demander si c’est toujours Ok pour la location. Et là, petite tachycardie : « ah ben non je ne loue plus mon logement j’ai fait un infarctus je ne peux plus m’en occuper ». Scrogneugneu, visite rapide sur les sites de logements divers, évidemment y’a rien à des km à la ronde autour du départ. Mon téléphone sonne, c’est le fameux belge à Liège. Il m’explique ses malheurs (et aussi le départ de sa copine après l’infarctus !) etc, et je finis par comprendre qu’il s’agit d’un gros quiproquo : j’avais gardé en mémoire le téléphone du propriétaire du logement loué en 2017. La maison qui avait des dauphins sur la lunette des chiottes et le lit marshmallow, je m’en souviens ! Je retrouve le proprio du logement de 2022 et je lui écris pour savoir si un ami peut se joindre à moi. « Pas de problème ! » me répond-il. Ouf. Nouveau ding annonçant un SMS : « mais j’y pense, vous venez pour la course qui pars tôt le matin, faut que je vous dise que mon logement est au dessus d’un bar assez bruyant ». Sympa de prévenir mais re-tachycardie. J’annule ce logement et j’en cherche un autre. Je finis par trouver une auberge au rapport qualité/prix correct dans la forêt de Spa, à deux pas du col du Rosier où nous allons passer.

Le covid m’a bien rétamé physiquement mais sur une période assez courte. Par contre c’est moralement que je patauge. Ma dynamique d’entraînement et mon envie sont annihilées. Je fais un jour après l’autre sans aucune intensité.

La course approche et il faut réfléchir au trajet, mon acolyte a décidé de se joindre à moi sur le parcours de 255 km mais il ne prend pas de congé la veille et arrivera peut être un peu tard, ça me contrarie un peu mais ayant posé un jour de congés de mon côté, je me dis que je peux y aller en train tranquillement la veille. J’ai un peu de mal à trouver la bonne formule train+vélo mais je finis pas trouver un Lille-Kortrijk puis un Kortrijk-Liège direct avec un wagon vélo. J’en profite pour admirer l’intermodalité à-la-belge avec des dizaines de vélos stationnés à la gare de la ville de Courtrai :

J’arrive tranquillement en début d’après-midi à Liège. Sac sur le dos, vélo chargé, magie du GPS, je me guide dans les rue pour rejoindre la trace plus campagnarde qui m’amènera à Banneux  pour le retrait des dossards. Dans Liège, je roule un peu avec un allemand qui fait un voyage à vélo de Lisbonne à son domicile. Il roule à la cool, 50-70 km par jour et s’arrête au gré de ses envies et de la météo. Je l’envie pour sa capacité à mettre de la facilité dans un truc potentiellement engagé. De mon côté, j’ai du mal à ne pas être « en prise » dès que je roule. Je le quitte pour longer l’Ourthe et je passerai à deux pas de La Roche aux faucons et du final sans le savoir. Je quitte les quais de l’Ourthe assez vite et ça grimpe sec ! Avec mon sac à dos et mon hoodie pas du tout cyclo friendly, j’étouffe. Je m’arrange comme je peux et je roule vers Banneux en jouant du dérailleur +++

Au retrait des dossards, c’est un peu morne je trouve. Très peu d’animation, un mec joue du Sigur Ros à fond (creepy) et on fait la queue pour avoir son sésame pour le lendemain. Rien à faire de plus ici si ça n’est me refroidir… je me relance direction l’hôtel ! Le paysage est beau mais ça grimpe sec, je finirai avec 900 de D+ sur 50 bornes entre Liège et l’hôtel, un petit déblocage comme dirait les cyclistes !

L’accueil à l’hôtel est bon et une bonne odeur de feu de bois laisse présager un bon dîner. Ça sera le cas ! Mon acolyte finit par arriver quand j’ai fini de manger. Je papote un peu avec lui et au dodo, la nuit sera courte…

D’autant plus courte que l’excitation de l’épreuve, cette agitation est mêlée à de l’appréhension devant la quantité de kilomètre et le dénivelé à avaler. J’ai eu un bon amuse-gueule la veille. Je me réveille pour pisser et je suis dans une lumière bleue ambiance « bordel belge ». Le chargeur de mon acolyte possède une LED puissante. Je vous ai déjà dit que je déteste la lumière la nuit ? voilà, maintenant vous savez. 5:30, ma monte vibre, je me lève en disant « top action ». Direction le petit déj qu’on nous a laissé à base de petits pains et de charcuteries. On mange dans une ambiance bizarre où l’on fait son café soi même derrière le bar, des néérlandophones braient comme des ânes et une radio diffuse une musique mélancolique genre Nostalgie. Le vent souffle et tord les arbres dans la forêt environnante. Je ne sais pas si cette ambiance nous a sidéré mais nous sommes plus longs que prévu pour nous préparer. Je m’inquiète pour notre heure de départ mais je me tais car je trouve peu constructif de rajouter du stress au stress. On arrive un peu tard à Banneux et c’est compliqué de se garer… derniers préparatifs des vélos, l’heure tourne, et on part à 7h45. On comprend vite que tous les participants du 255 sont très loin devant… et comme la route est longue, pas question de faire les zouzous en pédalant comme des dingos. On fait les premiers kilomètres avec les participants aux 145 km. C’est en descente, j’ai un peu le moral en berne, je regarde mon compteur et je me dis « ah chouette déjà 5 km de faits facilement », ça vous donne une idée de mon état d’esprit merdique au départ de l’épreuve. On croise un tandem venant d’Afrique du Sud ! Respect à ces grands voyageurs ! ça doit être cocasse un tandem dans les raidards à venir !

On bifurque à droite sur la première côte et on laisse les grappes de coureurs du 145… on est seul au monde sur des grosses routes avec les bagnoles. Youpi. Ma motivation est au ras des pâquerettes. Mon pote vaut faire une pause au premier ravito au 35ème. Dont acte. Je suis trop gentil.

Arrive une autre côte plus longue, je gère au capteur de puissance, cool, en endurance, maîtrise des pulses, faut pas consommer trop d’énergie. Je fais un travail mental pour gommer mes pensée négatives toujours dans une optique de conservation d’énergie. Les routes sont un peu plus sympas qu’au départ mais après la Côte de la Roche en Ardenne, on se tape des routes « montagnes russes » avec du vent en pleine tronche et je sens mon pote en difficulté. Je reste bien devant avec un rythme très modeste d’après mon capteur de puissance. Y’a pas : il fait l’élastique. Punaise, on est à 70 bornes du départ, comment ça va évoluer tout ça… je me remets à ruminer sérieusement, je roule et puis je l’attends. Je m’enquiers de son alimentation, je suspecte qu’il n’ait rien mangé : bingo. Il mange, je repars et il lâche tout de suite. Je roule jusqu’à Bastogne en faisant plein d’hypothèses. Dans un virage je vois deux mecs arrêtés. Un salopard a jeté des punaises sur la route ! j’échappe au moins à ça ! J’arrive au ravito de Bastogne, je reconnais enfin des portions de route de 2017. Et j’attends mon pote alors que les bénévoles sont déjà en train de remballer les cartons. Les voir faire ça me stresse et je décide à rouler tout seul pile au moment où mon pote arrive. Je lui conseille de se refaire la cerise et de me donner des nouvelles. Je repars seul, libéré par ma décision. Je roule bien. Je sais que je vais amorcer les premières bosses après le 100ème kilomètre et que c’est ça qui va me plaire ! grande ligne droite après Bastogne, j’en viens à douter de la route à force de ne voir personne (ben oui je suis dans les tous derniers) ni panneaux, je charge la trace du parcours. Ouf je suis bien sur la trace. La côte de Saint Roch arrive ! Je la reconnais ! Elle est vraiment rude mais j’aime bien ces efforts ! ça passe et je recrois un peu de monde au fil des kilomètres. Arrive ensuite la portion symbolique de Velsalme et du ravito de Gouvy où j’étais si mal en point y’a 5 ans. Je m’arrête très peu de temps à Gouvy, on se tape un bon zef sur des faux plats mais le moral reste ok, revoir des gens me fait du bien. Arrive Velsalme, je reconnais la gare où j’ai bâché y’a 5 ans. Symboliquement, j’enlève une couche de vêtements pile à l’endroit où je grelottais y’a 5 ans.

Toujours en mode starlette sur les épreuves officielles 😉

Je suis enfin dans une partie que je connais pas du tout et c’est celle avec le plus de bosses et le plus chouette paysage je trouve. J’arrive même à papoter avec des gens que je vais tout le temps croiser jusqu’à l’arrivée. Je suis impressionné par quelques cyclistes soit âgés, soit lourds qui ont la force et le courage de venir s’aligner sur une telle épreuve ! Ça m’avait déjà marqué y’a 5 ans et je me sentais d’autant plus nul d’abandonner alors que j’avais des atouts physiques pour que ça se passe bien… Voilà la côte de Stockeu ! tchieu ça c’est un sacré morceau ! marquant ! c’est court mais c’est sacrément raide, je ne me souviens pas avoir monté un raidard pareil ! Un koppenberg en plus long, sans les pavés ! Au ravito suivant, mon pote me dit par SMS qu’il a repris du poil de la bête et qu’il avance. Je l’admire pour sa persévérance parce que je le trouvais sacrément mal en point y’a quelques heures.

On arrive ensuite dans le coin de Spa et je reconnais la forêt sur le col du Rosier, on se laisse glisser (chic des kilomètres gratis !) vers le dernier ravito juste avant La Redoute. Je papote avec de jeunes trentenaires fan d’ultra qui ont fait la RAF 2500 en relai ! Ils m’impressionnent +++ par leur tranquillité et leur état d’esprit par rapport à ce qu’ils font (je suis moi même en plein doute quant à ma capacité et mon envie de faire la RAF 500 en solo). La Redoute passe bien, c’est raide mais moins pire que je pensais, les camping-cars sont là, l’ambiance de fête aussi, c’est sympa ! On redescend vers Sprimont et l’Ourthe pour trouver la Roche aux Faucons, je me retrouve avec un groupe de néerlandais qui roulent n’importe comment… l’un deux ressemble à un colonel de la SS et ils n’arrêtent pas de gueuler d’ailleurs. Il va finir par caler, ça m’arrange ! Les supporters des pros sont en pleine installation de leurs bannières et drapeaux (ainsi que des bretons avec leur drapeau bien sûr), c’est sympa ! On frôle Liège et on regrimpe une longue côte dite de Cortil. Assez usante avec cette journée avancée… s’en suit un long final dans les bagnoles pour rejoindre Banneux via de grandes routes. Je retrouve des belges sympas que j’ia souvent croisés depuis Velsalme et on finit ensemble pour arriver pile avant la deadline de 20h !

Je suis quand même content d’en finir car les genoux commençaient à couiner et le périnée à devenir inconfortable… Je me recouvre vite pour ne pas attraper froid. Y’a plus grand monde et je me renseigne vite pour savoir où serait mon pote. Il me dit qu’il vient de passer la Roche aux Faucons. Top ! je me dis que je ne vais pas l’attendre longtemps… je finis pas rejoindre un bistrot 2 km avant la fin en me disant que je le verrai passer pour finir avec lui et aussi pour recharger mon téléphone qui est en fin de vie.

Et là commence une bonne série de mésaventures. Je vais la faire courte car ça n’est pas vraiment marrant : mon pote va se perdre plusieurs fois et finir par arriver à minuit après que je me sois rongé les sangs à craindre qu’il soit renversé par une bagnole sur ces grosses routes passantes avec peu d’éclairage. Je pourrais détailler l’ascenseur émotionnel que j’ai traversé à attendre impuissant sur un trottoir (le bistrot a fermé à 22h) mais je préfère garder le bon souvenir de le voir finalement passer au coin de la rue et qu’on soit rentré à bon port ensuite grâce à sa capacité hors du commun à conduire dans n’importe quelles conditions. Je vais m’en souvenir de ce week-end…

NB si vous voulez faire cette épreuve, je vous conseille le 145, c’est la partie la plus sympa. Liège Bastogne ce sont des km pour faire des km…

 

2 réponses sur « Liège Bastogne Liège 2022 »

Dingue! Je faisais une recherche sur moi-même car je suis connue sous le pseudo « Hic Et Nunc » pour EXACTEMENT les même raisons: car c’est ici et maintenant que les choses ont du sens.
Je suis également médecin (en soins palliatifs!), je suis aussi passionnée de vélo (Cross Country), et je tiens un blog où je raconte mon quotidien.
Mais je suis une femme 😉

Je me demande combien de personnes me cherchaient et sont tombées ici…..

Cordialement.

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