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Diabète et production de glucose

j’écris cette note suite à un article du BJA sur l’insuline que m’a passé Renaud (@essentiel_net). L’idée princeps de cet article est de corriger le dogme selon lequel l’insuline sert surtout à faire rentrer le glucose dans les cellules. Elle remplit bien ce rôle, mais juste “à la marge”, puisque le glucose peut entrer dans les cellules en l’absence d’insuline. En fait l’insuline sert surtout à inhiber tout un tas de process métaboliques. Ainsi, la carence en insuline est plus la perte d’un frein métabolique et le raisonnement médical s’améliore si nous intégrons ça dans la réflexion physiopathologique.

Le diabète se définit au quotidien par une glycémie (taux de glucose sanguin) élevé à jeun. Au dessus de 1,26 g/l ou 7 mmol/l mesuré à deux reprises, le patient est diabétique. La question centrale pour comprendre et traiter le diabète est de savoir si la montée de la glycémie est liée à une surproduction hépatique de glucose ou une sous-utilisation du glucose par les tissus périphériques.

 

(j’en profite pour glisser qu’en raisonnant par l’absurde, on devrait tout de suite se demander que devient le métabolisme des tissus qui ne peuvent plus capter le glucose, d’où tirent-ils leur énergie, comment font ils pour vivre ?)

 

Chez la personne saine, la production de glucose correspond à l’utilisation globale du glucose. Il y a un équilibre bien contrôlé entre les entrées et les sorties. Lors d’une prise alimentaire contenant des glucides, le glucose est absorbé via l’intestin, la glycémie du sang portal monte rapidement ce qui déclenche la sécrétion d’insuline par le pancréas pour freiner la production hépatique de glucose (ainsi que la lipolyse et la protéolyse).

 

Chez le diabétique à jeun, la glycémie est élevée, mettons 12 mmol/l. Il y a une utilisation tissulaire du glucose et des pertes. En effet, à ce niveau de glycémie, il existe une élimination rénale du glucose. La glycémie reflète donc un équilibre entre la production endogène de glucose et la consommation+les pertes. Le métabolisme étant comparable par ailleurs, vous voyez toute de suite que la production endogène de glucose est exacerbée puisque la glycémie est élevée alors même qu’il existe un phénomène de pertes urinaires de glucose qui n’existe pas chez le sujet sain. Les analyses de traceurs isotopiques démontrent que la production hépatique de glucose est surtout liée à la néoglucogénèse (fabrication de glucose à partir d’acides aminés et de glycérol).

 

Qui sont les coupables de l’augmentation de la production endogène de glucose ?

C’est surtout le glucagon. Une hormone qui stimule la néoglucogénèse. La carence en insuline entraîne une plus grande production de glucagon.

 

Chez le diabétique non traité, la capture du glucose dans les cellules périphériques (le muscle pour l’exemple) est maintenue (et oui !). Le moyen de prouver ça est en étudiant la clairance du glucose. Le glucose disparaît de la circulation sanguine soit en étant utilisé en périphérie (Cp) soit en passant dans les urines (Cu). En connaissant la production hépatique de glucose (méthode de traceurs isotopiques comme énoncé avant) on peut en déduire la part de Cp et constater qu’elle est élevée ! En effet, les transporteurs de glucose GLUT n’ont pas tous besoins d’insuline pour faire rentrer le glucose dans la cellule et l’effet gradient de concentration facilite même le passage du glucose en intracellulaire.

 

Apporter de l’insuline exogène permet donc surtout de limiter la production endogène de glucose et d’éviter l’emballement de la lipolyse, la protéolyse et la fabrication de cétones. En fait au lieu de parler de contrôle glycémique, il serait peut-être plus judicieux de parler de contrôle métabolique.

 

Ainsi, si je me place dans mon rôle d’anesthésiste, je comprends beaucoup mieux qu’il ne faut pas systématiquement donner une solution de glucose au patient diabétique. Il va très bien se débrouiller tout seul pour fabriquer du glucose ! Le risque d’hypoglycémie à jeun s’anticipe en ne donnant pas les sulfamides hypoglycémiants et en diminuant la dose de glargine la veille. Pour moi, la solution de sérum glucosé à 10% est un médicament à abattre à l’hôpital.

7 réponses sur « Diabète et production de glucose »

Merci Rémi et merci Renaud pour l’article.

Je « tombe de ma chaise » en lisant ton article.
L’insuline ne favorise pas l’entrée de glucose dans la cellule !!!!

Ta demonstration est parlante.
J’ai pensé immédiatement à l’effet du sport chez les diabétiques de type 1 qui réduisent leurs doses d’insuline : le glucose périphérique est mieux utilisé « Euréka ».

Dernière remarque : cet article date de 2000. 16 ans déjà !
Comment ce fait-il qu’il n’a pas plus circulé.

Merci pour ce billet et bonne année 2017 avec j’espère encore des billets de ce niveau

Salut Marc,

Rémi nous a fait un super article. Chapeau et merci !

Faut vraiment voir la glycémie comme le niveau d’eau dans une baignoire. Et on a plusieurs robinets qui remplissent ou vident la baignoire. Il y a littéralement 3 ou 4 robinets en entrée ET autant en sortie. L’insuline (et qq autres facteurs) agit en tournant un peu tous les robinets à la fois, avec un effet global de faire baisser le niveau d’eau. C’est déjà super pas simple. Mais en plus à côté on a d’autres baignoires avec les lipides sanguins, leurs propres robinets sur lesquels l’insuline joue aussi plus ou moins directement, etc… et l’insuline elle même, qui tourne les robinets, dépends en partie… du niveau de la baignoire ! Wouah !

Précision : si, l’insuline FACILITE bien l’entrée du glucose dans certaines cellules, mais l’effet global sur la glycémie est juste « pas si fort » en regard du rôle du foie.

Les cellules glucoINdépendantes « pompent » davantage de sucre si l’insulinémie croît. Par contre l’insuline n’est pas nécessaire pour les cellules dites glucodépendantes, telles que les neurones, qui peuvent ainsi manger tranquillement lorsque l’insulinémie baisse : les cellules glucoINdépendantes leur laissent le glucose. En gros.

En passant, le mécanisme global est pas si « confidentiel » car en cours de SVT de 1ère l’essentiel de l’info est déjà là : http://www.svt-biologie-premiere.bacdefrancais.net/regulation-glycemie.php

C’est juste qu’une bonne part de ce qui est important se trouve dans des subtilités de langage qui sont facilement ignorées à la lecture superficielle. Par exemple, remarques à la section D) l’utilisation répétée du terme « favoriser ». J’invente rien.

Certes rien sur les proportions des différents effets, mais l’info est très claire : la paire insuline/glucagon joue de concert, et les effets sont multiples (pas que pousser le sucre dans les cellules). Dans le grand public un peu éduqué il ne restera toutefois qu’une seule info vaguement mémorisée : l’insuline est une hormone hypoglycémiante.

Après, si tu prends le net et sa chambre d’écho à demi vérités, tu te trouves avec un narratif biaisé dangereusement crédible. Parce que la plupart des infos données sont justes, qu’elles collent avec ce que Mr Tout-le-monde a vaguement retenu, et sonnent scientifique. « On » à alors le sentiment de comprendre, de savoir. Le tableau est juste incomplet, et ce qui manque est très important… si on veut comprendre le diabète/obésité/toussa toussa. J’abrège mon refrain chagrin…

Je crois que les médecins sont aussi bien informés que les 1ère S. Ils savent donc tout ça « en background », mais pour la plupart le débit relatif des différents robinets n’est pas d’un intérêt primordial. Ils ont PLEIN d’autre trucs plus importants à garder à l’esprit. Ça n’est vraiment important que pour certains spécialistes qui dealent plus ou moins directement avec le phénomène comme les endocrinos ou les anesthésistes… c’est pourquoi l’article vient d’une revue de cette dernière spécialité. Je pense que dans les milieux concernés cette info fait partie des évidences et doit circuler depuis bien avant 2000. L’article ne relate pas une découverte, mais une synthèse de l’état des connaissances (pas nouvelles). Après, je suis pas du tout médecin, ni même dans ce milieu avec lequel Rémi est à peu près mon seul contact, donc je lui laisse le soin de confirmer (ou pas) ce qui n’est pour le moment que mon opinion.

Je suis DID, très sportif, et interne d’AR et ton article vient de m’apprendre beaucoup de choses….
Thanks bro’

Bonjour, je suis diabétique de type 1 et je cherche á comprendre. Je suis aussi très littéraire et faut m’expliquer longtemps… je voudrais savoir si la glyconeogenese fonctionne de la même façon chez moi que chez une personne qui n’est pas diabétique. Autrement dit, est ce que je peux retirer le sucre de mon alimentation, en reduisant mon insuline, en mesurant ma glycémie, tout ça tout ça et laisser mon foie transformer les graisses (accumulées ces dernières années ) en sucre sans danger pour mon foie, mes reins, mon métabolisme de manière générale… Je cherche la réponse depuis un moment et personne même ma diabeto n’est en mesure de me la donner. J’ai lu qu’un gamin en Suède ou au Danemark avait été guéri du diabète par un régime alimentaire sans lactose et sans glucose. Le diabète était tout récent, le mien a 22 ans et J’ai fait une croix sur la guérison depuis un bon moment mais pour autant, je lis comme tout le monde que le sucre, c’est pas génial, et je veux savoir si je peux arrêter d’en manger . Alors, possible ou pas possible et si pas possible, pourquoi? D’ores et déjà un grand merci.

Bonjour,
je suis désolé mais la Médecine par Internet, ça ne fonctionne pas, ce blog n’a donc pas pour objet de répondre à des questions médicales personnelles.

Néanmoins sur le plan physiopathologique, le patient qui ne produit plus d’insuline comme le diabétique de type 1 n’a pas qu’un problème de sucre à gérer. L’insuline a plusieurs rôle, et elle permet aussi de maintenir en bonne santé les muscles. Sans insuline, les muscles s’atrophient.
Par ailleurs, je crois qu’il reste souhaitable de stabiliser le diabète avec le moins de médicaments possible lorsque les mesures « hygiéno-diététiques » le permettent. Ainsi, il est bien montré qu’il est possible d’améliorer grandement les conséquences du diabète en mangeant peu de sucres. Certaines personnes suivent même des régimes sans glucides (low carb diet en anglais) avec un certain succès. Mais ces régimes sont difficiles à tenir sur les plans gustatif, social et aussi métabolique. Il peut y avoir d’autres déréglements hormonaux qui s’installent (hormone thyroïdienne par exemple) lorsqu’on prive longtemps sont organisme de glucides. Et lorsqu’on mange très peu de glucides, on obtient ses apports caloriques avec les graisses et tout le monde n’est pas égal dans la tolérance des régimes riches en graisses.
Donc oui à la baisse de consommation des glucides, danger si c’est fait au long cours sans suivi diététique/médical sérieux.

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