Cette semaine, je suis allé faire un tour chez mes collègues de réa chir. J’ai fait l’observateur et un peu l’externe en essayant de rendre service sans trop faire chier (exercice difficile pour moi :D) J’ai découvert une équipe qui turbinait très très fort avec des internes très investis. Ca m’a fait du bien de réviser le fonctionnement du service en journée, de me familiariser avec leur logiciel de prescription et de faire de la médecine ! Dans nos discussions, nous alternons entre gestion de l’incertitude et certitude que Didier Raoult sème la discorde. Le bon côté des choses c’est qu’en s’exposant, des gens intelligents vont creuser bien profond dans ses « travaux », ça risque de faire mal… Le mauvais côté des choses c’est la croyance populaire boursouflée d’un mélange de peur et d’espoir qui revient sur le devant de la scène. Encore une nouvelle religion qui veut s’imposer contre la science. Les religions déguisées en science sont encore plus difficiles à combattre (cf pratiques diététiques alambiquées). Je suis meurtri par la violence des propos sur les réseaux sociaux, des gens sortis de nulle part insultent copieusement les médecins et scientifiques qui mettent en garde contre les recettes magiques. C’est tellement gros que je suis persuadé qu’il y a part de manipulation calculée des réseaux sociaux. Il est tout à fait possible que des gens malveillants cherchent à profiter de l’instabilité ambiante. C’était d’ailleurs montré à propos des bots anti-vax.
Alors que je suis en train d’écrire ce billet, une amie et collègue me demande par SMS si j’approuverais la prise de chloroquine si un proche était sévèrement malade. « Si j’étais désespéré » est-ce que je prends ou donne la pilule magique ? Il ne s’agit plus de raisonnement médical, on est dans l’émotionnel. Il faut faire un pas de côté et rallumer son cerveau médical. Si l’hydroxychloroquine est efficace dans la COVID19 selon la physiopathologie « vendue », il faut la donner précocement, donc la donner à des gens pas très malades, voire à peine symptomatiques. Ça ne me parait pas éthique du tout de donner en dehors d’un essai clinique, une molécule dont on n’a aucune preuve d’efficacité à une large population, l’exposant de façon certaine à des effets indésirables sans certitude d’avoir un bénéfice (au delà du placebo). Et cela sans compter sur le sentiment de fausse protection si ça ne marche pas, même problème qu’avec l’homéopathie dans les pathologies sérieuses. C’est cette problématique de distribution à large échelle qui est dangereuse, pas la prise individuelle. C’est toujours ce concept de population qui est compliqué à comprendre en médecine. Le risque individuel n’est pas celui d’une population et l’effet bénéfique d’un médicament se mesure aujourd’hui dans une population (cf vieille note) Merci à Nicholas Nassim Taleb de m’avoir aidé à réfléchir sur cette question sans accepter son tweet benoitement.
A titre personnel, tout le monde me demande des nouvelles, c’est sympa 🙂 Franchement, en dehors du stress latent et la désagréable incertitude qui nous enrobe, nous (anesthésistes) ne sommes pas encore « sursollicités » à Lille (contrairement à Nancy où ils sont montés à plus de 120 lits de réas !). Problème personnel du moment : je me fais tous les jours piéger par les réseaux sociaux. Je me lève chaque matin en m’imposant de ne pas y aller et quelques heures plus tard je scroll Twitter comme un toxicomane. Il faut que je me discipline réellement vis à vis de cette consommation d’informations. Mon cerveau n’arrivent pas à encaisser tout ce stress et le sommeil se déglingue +++
Le cygne noir qui recouvre de ses gigantesques ailes la planète nous rappelle son existence. Je fais des autres scenarii catastrophes : que se passerait-il en cas d’accident nucléaire ? que deviendrions nous sans Internet ? en serait-ce fini de l’humanité si quelque chose bloquait massivement la coopération entre les hommes ?
D’un autre côté, quand je positive je suis content de la vie que j’ai menée jusqu’à présent, je suis émerveillé qu’en quelques semaines l’humanité ait compris qu’un agent infectieux invisible s’attaquait à elle, qu’elle ait su le repérer, l’analyser et mis en place des stratégies de lutte en mettant la priorité sur les vies humaines à sauver. Autre truc cool : le sport me soutient ! J’étais déjà un gros adepte du home-trainer et je prends plaisir à suer sur le vélo et à réinventer des stratégies d’entraînement. Pour faire marcher mon petit hippocampe proustien, j’ai mis aujourd’hui une crème pour le sport (cherchez pas, c’est du gri gri de sportif ☺️) et son odeur m’a ramené sur les pentes de Joux Plane quand j’étais au meilleur de ma forme en août 2019, trop bien !
Enfin, ca me fait plaisir de renouer des contacts avec des gens dont je suis aujourd’hui éloigné. J’ai ainsi lu avec plaisir le texte de Nicolas du Beaudiez, c’était ma petite entorse du jour en matière de lecture des réseaux sociaux, mais là ça valait le coup.
Les semaines à venir vont se corser, je m’attends à grand huit émotionnel, ça va être un peu comme un Ironman avec juste le confort de ne pas se pisser dessus.
2 réponses sur « Journal #COVID19 chapitre 3 »
J’ai pris grand plaisir à vous lire car les polémiques pour moi, n’ont pas leur place en cette période où nous devons serez les coudes. Nous sommes face à une situation exceptionnelle. Il y a un temps pour la gestion de l’urgence, la suite viendra plus tard ! Bon courage à vous !!! Jacky
Mon très cher Rémi,
bon courage pour la semaine qui s’annonce……. courant mai-juin 2021, ça serait bien un petit week end angevin pour rouler sur mes nouveaux parcours « home made » sur la carte michelin avec un papier collé sur le vélo pour être bien sur de se perdre : – )
amitiés toujours
Didier