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Pascal et le Colonel Moutarde

On dort rarement bien en garde, surtout quand l’Externe a disparu.

Au réveil pas de miracle, pas de signes de vie de l’Externe. Les patients sont stables et les transmissions vite enchaînées. Je suis inquiet et il va falloir se décider à multiplier les pistes pour le trouver. On est samedi matin. Je décroche mon téléphone et recherche le numéro du Doyen fraîchement élu dans mes contacts. Gros coup de bol, les élections viennent juste de se dérouler et j’ai ce numéro improbable dans mes contacts. En effet j’ai été un peu sollicité dans le cadre de mon activité d’enseignement (conférences) et mes liens historiques avec notre corpo d’étudiants.

Je sais qu’il y a ce matin à la fac une réunion pédagogique. Lorsque je lui explique que nous avons perdu l’externe de garde, il est surpris, mais ne se démonte pas. Se doutant bien que je ne le dérangerai pas pour lui faire une petite blagounette (« ouais salut tu viens d’être piégé par Foune Radio, trop LOL ») il me prend au sérieux et l’un de ses premiers réflexes est de me dire qu’il va rapidement prévenir le légiste d’astreinte en cas de découverte macabre. Glauque non ? Ensuite les réflexes simples reprennent le dessus, il m’annonce qu’il ira vérifier son dossier à la scolarité car nos recherche dans les pages blanches et google n’ont rien donné. Je suis un piètre stalker. Il me rappelle.

Je tourne en rond dans mon petit bureau. Dring. Je note le numéro de téléphone. Je redégaine mon portable. Je compose le numéro de sa mère et lui raconte n’importe quoi :
 » – Bonjour Madame, je suis un copain de bidule, il devait me passer un cours vous pouvez lui dire de me rappeler SVP ?
– Pas de problème il devait venir manger chez moi ce midi, je lui transmets le mot.
– Merci beaucoup Madame. »
Je me dis alors que l’on tient là un tournant de notre affaire. S’il ne passe pas chez sa mère pour déjeuner un samedi midi, il se passerait alors vraiment quelque chose.

Je retourne à m’baraque, ne pouvant guère faire plus et j’ai l’impression de sortir de la Twilight Zone en quittant la vie nocturne de l’hôpital.

En début d’après-midi un numéro inconnu sur mon portable, je décroche, c’est l’Externe. Alléluia, pas de témoignage au poste, il va bien ! celui ci me raconte une histoire bizarroïde où il est sorti hier soir après le bloc avec l’interne et je ne sais par quelle circonvolution de pensée dadaïste il a décidé de retirer des sous.

En bon guignolo bien rôdé à la readiness attitude, well-preparedness et tout le toutim il se balade en blouse blanche, son portable collé sur l’oreille pour aller retirer du cash le vendredi soir au distributeur en face de la sortie de métro ! Il imaginait sans doute que j’allais lui facturer les trois grains de riz que j’avais préparé… Il m’a alors raconté qu’il s’est fait agresser, molester et piquer ses sous et son portable. Dans la panique, il a filé se cloîtrer chez lui sans prévenir personne ! Bon plutôt content qu’il soit vivant, je n’imagine même pas l’engueuler et je lui raconte tout de même brièvement tout ce qui s’est passé depuis la veille. Il ne s’est vraiment pas rendu compte de ce qu’il a fait…

Je préviens les agents de police de cette résurrection, ils me trouvent trop naïfs mais ils préfèrent aussi cette issue. Moi j’y crois car ça explique que l’on ait eu une première fois le répondeur puis ensuite le téléphone en dérangement (opposition ou destruction de la SIM ?)

Mon interne était complètement dingue quand je lui expliqué le dénouement.

Je n’ai jamais revu cet Externe…

13 réponses sur « Pascal et le Colonel Moutarde »

De deux choses l’une : soit l’externe dit vrai et dans ce cas son histoire vaut son pesant de cacahuètes, soit c’est un génie qui a appris tout des « bases d’anesthésie » que tu lui as donné à l’épisode précédent et qui a su bien vous endormir.
Je vais faire comme toi et croire à la première solution, c’est plus cohérent et surtout moins banal.

On ressent quand même une exaltation à l’idée de créer des ennuis à cet externe, au comportement plus que léger mais loin d’être inhabituel… Appeler le directeur de l’hôpital, les flics, le doyen de la faculté, sa mère, et en écrire 2 pages, faut le faire !

Mouarf, je ne dois pas être assez pervers car l’idée ne m’a pas traversé l’esprit…

C’est juste une histoire extraordinaire

Bye

Trop fort.
Moi, je crois qu’il croit ce qu’il t’a dit.
Je crois aussi que tu crois qu’il croit ce qu’il t’a dit croire.
Je crois surtout que tu ne veux pas croire que c’t’externe a un grain (de riz?) et tu préfèrerais croire qu’il te ment, mais sans y croire vraiment.

Assied-toi. La vérité, c’est que l’AIVOC, ça rend fou. JE LE SAVAIS !!!

Nan mais sérieux, suis-je le seul à penser que le lascar entend des voix bizarres?

Et puis d’abord, il est vraiment externe, l’externe? Parce que le doyen, l’a pas l’air franchement doyen…

(je prends mes gouttes et dodo!)

PS: super exercice, vraiment…

pour mettre fin a cette vieille énigme du CHRU et mnt qu’il y a prescription..Je connais bien cet externe…il va bien et c’ est aujourdhui un brillant anesthésiste de Grenoble thesé depuis peu…

c’est mon ami d’externat, Alexandre Godon… je n’ai pas oublié ton exellent billet de blog qui a suivi l’affaire .
il a pas fait cette garde, mais 7 ans plus tard il fait le même job et plein de gardes pour se rattraper :p …
(finalement les externes perdus peuvent devenir anesth-rea…)

C’est marrant, tu poses exactement la même question que les policiers ce soir là !
(On a quand même retrouvé son nom à la fac et aujourd’hui il est médecin anesthésiste (!) thésé comme tu as pu le lire dans les commentaires :))

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