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Noradrénaline et anesthésie

Bonjour, je m’appelle Minh, et suis anesthésiste-réanimateur.

Rémi m’a invité ici pour discuter de la noradrénaline en anesthésie.

Les agents anesthésiques couramment utilisés induisent une sympatholyse, une diminution de la noradrénaline et de l’adrénaline endogènes, résultant en une veinodilatation responsable d’une baisse de la précharge, et donc du débit cardiaque. Sur nos moniteurs, nous voyons souvent une hypotension artérielle apparaître, reflet de cette baisse du débit cardiaque.

Plusieurs solutions s’offrent à nous pour restaurer ce débit cardiaque.

Nous pouvons remplir le contenu veineux. Le contenant étant plus volumineux, la restauration de la précharge sera longue par cette méthode. Il y aura donc un temps d’hypodébit cardiaque et donc d’hypoperfusion d’organe assez long.

Le bon sens nous dirait : nous avons veinodilaté, il nous suffit donc de veinoconstricter.

Veinoconstrictons. Et nous avons des produits pour ça : éphédrine (E), néosynéphrine (N), noradrénaline (NA).

L’E agit par un mécanisme majoritairement indirect, en libérant les cathécholamines endogènes au niveau des terminaisons nerveuses. Elle augmente donc la noradrénaline endogène, favorisant la veinoconstriction et l’augmentation du débit cardiaque. Par ailleurs, elle induit une tachycardie.

En pratique, elle fonctionne, mais son efficacité est aléatoire, et épuisable.

Chez un patient que l’on ne veut pas rendre tachycarde, elle peut être délétère.

La N, de part son activité alpha1, a une activité purement vasoconstrictrice : veinoconstrictrice et artérioconstrictrice. Après administration de N, la pression artérielle remonte. Nous sommes contents. Cependant, le débit cardiaque diminue. Rappelons que PA = Q * RVS, ou PA est la pression artérielle, Q le débit cardiaque, RVS les résistances vasculaires systémiques. N augmente les RVS, mais diminue le Q, car augmente la postcharge. Le ventricule gauche (VG) doit lutter contre une postcharge plus importante, et chez les patients aux antécédents de dysfonction VG, la N peut suraltérer la fonction VG.

La NA est un vasoconstricteur. Veinoconstricteur en grande partie, et aussi un peu artérioconstricteur. Une administration de NA entraine une augmentation de la précharge, très peu de la postcharge, et en résulte une augmentation du débit cardiaque. C’est exactement ce que nous cherchons à faire. Nous savons que les agents anesthésiques couramment utilisés induisent une sympatholyse, une diminution de la noradrénaline et de l’adrénaline endogènes, résultant en une veinodilatation responsable d’une baisse de la précharge, et donc du débit cardiaque. La NA semble être la drogue de choix.

Alors pourquoi ne l’utilisons-nous pas ? Juste personnellement, je pense qu’une non utilisation de la NA ne peut relever que d’une méconnaissance de ce médicament. J’ai souvent entendu :

“Ca fait trop de vasoconstriction, il va faire un infartcus” -> Si on dit “trop”, c’est qu’il y a un effet dose. Il faut donc diminuer les doses. Et la NA n’est pas plus artérioconstrictrice que la N.

“J’ai déjà vu des gens amputés des 4 membres car trop de NA” -> C’était probablement des chocs septiques, avec une coagulopathie septique, des microthrombi, une défaillance endothéliale, nécéssitant des fortes doses de NA pour survivre. Certes, il y a eu une nécrose des extrémités, mais réfléchissons : imaginons que cette nécrose serait dûe à la NA. Imputabilité de la NA ? Arrêtons donc la NA. Les extrémités ne deviendraient pas roses, ce serait même plutôt tout l’organisme qui serait nécrosé.

« Moi j’ai toujours fait de la néo, ça a toujours marché » -> Effectivement si la finalité est la pression artérielle (mesurée dans les gros troncs artériels), la néo marche. Mais aujourd’hui, où notre finalité est le débit cardiaque, ben ça ne marche plus…

On administre du blanc, on diminue le débit cardiaque, on hypoperfuse les organes. On trouve ça normal.

Pourquoi ne pas antagoniser notre iatrogénie ?

C’est comme si je renversais du café dans la salle de pause, et que je disais “ça va sècher” ou “l’ASH va le faire”. Vous trouvez ça normal ?

Et du coup, la NA, c’est bien, mais est-ce qu’on a du recul là-dessus ?

La réponse est oui.

Une étude randomisée comparant la N et la NA chez des patientes bénéficiant d’une césarienne sous rachianesthésie publiée dans Anesthesiology en 2015 retrouvait : meilleur débit cardiaque dans le groupe NA, pas de différence de l’Apgar, meilleur pH néonatal dans le groupe NA, et, étonnamment, les dosages de noradrénaline et d’adrénaline dans l’artère et la veine ombilicales revenaient plus hauts dans le groupe N que dans le groupe NA. Adaptation foetale à l’hypoperfusion utéroplacentaire ?.

D’autres travaux comparant N et NA retrouvent une diminution du débit cardiaque dans le groupe N (voir table ci-dessous, extraite d’un article en accès libre).

En pratique : voici une recette que je trouve facile et efficace :

Une ampoule de NA (8mg) dans NaCl 0,9% ou SG5% 500mL = 16µg/mL.

A l’induction, tout de suite après avoir poussé l’agent hypodynamisant : 8µg (0,5mL) à 32µg (2mL) en bolus selon fragilité prévisible du patient.

Si nécessité de répéter les boli : seringue autopulsée, environ 30mL/h, à adapter selon la cinétique du débit cardiaque ou de la pression artérielle.

Une fois après avoir essayé, on ne peut plus s’en passer.

En plus, c’est tout doux.

Ca marche au bloc, mais c’est aussi une aide précieuse en réa ou dans les étages quand on est amené à intuber dans l’urgence.

En conclusion :

L’induction anesthésique s’accompagne le plus souvent d’une diminution du débit cardiaque, dont les mécanismes font intervenir une sympatholyse, une diminution de la noradrénaline et de l’adrénaline endogènes, résultant en une veinodilatation responsable d’une baisse de la précharge, et donc du débit cardiaque.

La noradrénaline antagonise ces mêmes mécanismes et restaure efficacement le débit cardiaque.

Pour une lecture plus approfondie, je vous propose:

Mets B. Should Norepinephrine, Rather than Phenylephrine, Be Considered the Primary Vasopressor in Anesthetic Practice? Anesth Analg 2016 May;122(5):1707-14.

Merci de votre attention.

Minh

(Je peux mettre à jour le billet de recette face à une hypotension ?!)

UPDATE : Beau travail du Pr FUTIER http://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2654895

UPDATE par Rémi/nfkb :

L’utilisation de la noradrénaline plus précocement est intéressante comme le montre Minh içi et notre pratique tant à le prouver. Néanmoins, ce médicament très puissant reste à manier dans des environnements adaptés et penser à switcher vite vers des concentrations plus élevées et à monitorer la pression artérielle de façon invasive dès que le patient devient instable et pas juste un peu vasoplégique à cause des drogues d’anesthésie. Merci Grégoire.  

Update #2 Au quotidien, nous avons protocolé son utilisation dans le service avec une dilution dans une poche (Baxter Mono-luer) qui ne se percute pour éviter l’erreur d’administrer la poche en débit libre à un patient (merci Benjamin).

Cette poche reste dans un endroit précis. De plus, j’ai plutôt tendance à faire de plus en plus de SAP. Les boli je les limite à 16 µg, quitte à les répéter (après un résultat de PNI) en attendant l’introduction de la SAP. Je me focalise sur les patients les plus âgés ou fragiles. La noradrénaline en bolus à un patient jeune, ASA 1, vierge de médicaments au long cours (anti-HTA, antidépresseurs, etc) me parait plus sujette à des réactions importantes. Autour de 30/40 ml/h, il faut réfléchir à la situation et il parait logique de préparer de la noradrénaline plus concentrée en SAP.


1.
Mets B. Should Norepinephrine, Rather than Phenylephrine, Be Considered the Primary Vasopressor in Anesthetic Practice? Anesth Analg. 2016 May;122(5):1707–14.
1.
Ngan Kee WD, Lee SWY, Ng FF, Tan PE, Khaw KS. Randomized double-blinded comparison of norepinephrine and phenylephrine for maintenance of blood pressure during spinal anesthesia for cesarean delivery. Anesthesiology. 2015 Apr;122(4):736–45.
1.
DiNardo JA, Zvara DA. Anesthesia for Cardiac Surgery. John Wiley & Sons; 2008. 475 p.
1.
Magder S. Phenylephrine and tangible bias. Anesth Analg. 2011 Aug;113(2):211–3.
1.
Thiele RH, Nemergut EC, Lynch C. The clinical implications of isolated alpha(1) adrenergic stimulation. Anesth Analg. 2011 Aug;113(2):297–304.
1.
Kanaya N, Satoh H, Seki S, Nakayama M, Namiki A. Propofol anesthesia enhances the pressor response to intravenous ephedrine. Anesth Analg. 2002 May;94(5):1207–11, table of contents.
1.
Zaimis E. Vasopressor drugs and catecholamines. Anesthesiology. 1968 Aug;29(4):732–62.
1.
Smith NT, Corbascio AN. The use and misuse of pressor agents. Anesthesiology. 1970 Jul;33(1):58–101.

69 réponses sur « Noradrénaline et anesthésie »

Bonjour,
Existe t il des données, études sur la perfusion coronarienne, la vasoconstriction coronarienne entre la N et NA a dose équivalente pour Pam, Pas équivalente ?
J’utilise les 2 au bloc et en réa mais même si il ne faut pas faire de la médecine sur des histoires de chasses, semaine dernière SCA St plus post op Rtup avec patient sous faible poso Noradrenaline (0,1 mg/h) 2 stents en urgence… D’où ma question.
Merci pour le post.
Cédric, Anesthésiste réanimateur CHP Saint Grégoire, ex externe Lillois

Merci de remettre une couche sur les aberrations de la neo jugée « plus sûre » et sur-utilisée dans notre département.

Remi tu es toi aussi un adepte des boli de NA ? On a bien sûr tous été éduquée à l’interdiction des boli de cette drogue pour les risques d’une trop grande post-charge brutale, alors qu’en réalité il semble que l’augmentation de la précharge étant encore plus importante, ça ne serait pas si dangereux, voire utile dans ces situations de levée de tonus et de chute hémodynamique post-induction.

Très intéressant en tout cas, même si j’utilise plus que de moyenne cette drogue, je m’en servirai peut-être encore mieux dorénavant, et l’histoire post-induction de Minh me fait réfléchir.

Bonjour,
J’utilise couramment La NA depuis 2013, avec ce protocole 1mg dans 100 cc. Sap débuté à l’induction à 20 ml heure et mouvements de 5 en 5 . Je ne pourrais plus m’en passer pour une épaule sous Bis + AG ou une APD thoracique. Associé à de l’ultiva et du Desflurane La TA obéit au doigt et à l’œil. Pour moi aussi un patient stente. Hasard? Lie ou pas à mon protocole?
Tes réponses m’intéresse.
Claude sumian
Ex interne LILLE

Bonjour Claude,

moi j’aime bien le coup de 8 mg dans 500 ml. On laisse la poche « mère » de salé avec un étiquetage adapté en SSPI et on peut venir se servir pour les blocs au fil de la journée.
Par contre, je n’ai pas compris ta question, peut-être qu’une partie du message a été tronqué.
Bye

Bonjour,
Voila bientôt 4 ans que je suis votre blog après des recherches sur la lidocaïne intraveineuse et la clonidine en prémédication (et autres centres d’intérêt communs: même métier en CLCC, même génération, même activités sportives -trail, puis marathon, puis tri), je vais passer le pas et répondre.
Le papier de Mets dans Anesthesiology de 2016 est effectivement une très bonne entrée en matière pour tordre le cou à l’idée que la noradrénaline doit être réservée aux « patients malades » comme il le dit lui-même, et qu’elle peut (ou doit) être utilisée en peropératoire pour traiter une hypotension.
Il y aussi le papier de Soeding sur la mesure du NIRS en position assise (BJA 2013) qui est plutôt convaincant. Mais, à part l’article que vous citez sur le pH foetal, je n’ai pas trouvé de papier avec une évaluation du retentissement clinique. Il y aura peut-être des avancées avec les résultats d’INPRESS menées par l’équipe de Clermont-Ferrand (Ephedrine vs Noradrénaline pour PAM > 80 mmHg, évaluation des marqueurs de souffrance d’organe en post-opératoire – tropo, N-Gal, …)
Personnellement, j’utilise de la noradrénaline diluée à 10µg/ml (1 mg dans un pochon de 100 ml, réutilisable au cours de la journée pour plusieurs patients) en bolus itératifs de 1 mL depuis presque 1 an. Et je ne reviendrais pas en arrière, sauf peut-être à discuter pour les patients volontairement précharge dépendant (Rebet, EJA 2016), et encore…
Le plus dur a été d’affronter te regard de travers que m’ont lancé mes collègues (MAR et IADE) quand j’ai proposé puis adopté cette molécule (bibliographie à l’appui).
En revanche, la demi-vie est assez courte (1 min) et j’étais fréquemment obligé d’opter pour des injections rapprochées. A mon avis, pour des chirurgies longues, il faut opter pour un PSE à faible dilution (ie 4 mg dans 40 mL) et avoir recours à des bolus le temps que l’administration au PSE soit efficace, afin de limiter le phénomène de yoyo qui est très probablement délétère.
Dans tous les cas, le message que vous faites passer est essentiel: il faut mettre de coté la néosynéphrine et ne pas avoir peur de la noradrénaline en bolus.

Merci d’animer un blog aussi éducatif,

Au plaisir de vous lire

A court terme, a priori, le nature-man du verdon (lac de sainte-croix). Je comptais participer au Swim&Run du lac d’Annecy, mais le temps a manqué cet été. Je le garde pour l’année prochaine, avec le triathlon de Thonon les Bains. Pour ceux qui sont moins adeptes du vélo, cette discipline (SwimRun) permet vraiment de s’éclater, c’est une autre approche de la gestion de l’effort. Adepte de montagne, je lorgne aussi sur l’émergence des épreuves de X-Terra. A long terme (4-5 ans), préparer un half IM, mais pas plus.
Et rester compétent et passionné de mon travail…

Mais Nature-Man c’est déjà format half non ? En tout cas la vidéo sur leur site est chouette, et j’avais eu de très bons échos d’un lillois qui l’a fait l’année dernière. My mistake, je vois qu’il y a un sprint aussi.

Je tombe sur votre article (je ne sais comment), je le lis, entièrement, évidemment sans tout comprendre (ah oui, il faut que je vous dise que je suis à mille lieues du monde médical), je me suis alors dit que nous avions bien de la chance d’avoir des médecins qui se posent des questions, qui cherchent des solutions, qui remettent en cause des pratiques pour essayer d’en appliquer d’autres, etc. Ca m’a fait du bien. Merci

Adepte du mélange éphédrine – néosynéphrine depuis longtemps, je suis maintenant convaincu par votre habile démonstration et je vais adopter votre protocole Noradrénaline dans ce contexte obstétrical où j’exerce, à la maternité nord du CHU de la REUNION , tête de reseau des 10 CHU des iles de l’Ocean Indien. Et une enquête bibliographique m’a si ausrappelé que la noradrénaline était bien appreciée (cf page 134) il y a une cinquantaine d’année dans les hopitaux malgaches lors de la mise en place des procédures de réanimation par massage cardiaque externe pronées par Kouwenhoven dés 1960. j’en profite pour dire que notre futur pole ARC cherche des candidats et candidats a des postes de PUPH, PHAR, CCA, PHAC , IADES. Merci de bien vouloir transmettre à l’occasion. https://www.slideshare.net/claudegindrey/anal-med4-18
https://www.slideshare.net/claudegindrey/projet-pole-arc-chu-attractif-2018
https://www.slideshare.net/slideshow/embed_code/key/GyKuSIT1qe2njW

Top, quel plaisir de lire ce commentaire.
Dans notre service, on est plusieurs à l’utiliser et nous en sommes bien satisfaits. Notre recette : NA 16µg/mL. Après avoir injecté les AL en intrathécale pour césarienne, on débute tout de suite la NA (en plus du coremplissage) en IVSE à 30mL/h en moyenne, avec surveillance de la PA /1min. Plus ou moins petits boli de 0,5mL selon la cinétique de la PA.
Bien cordialement

Minh

Cela fait toujours plaisir de lire des articles comme celui-ci. Je suis en charge d’informer mes collègues IADES des évolutions dans nos prises en charge. Merci Minh pour nous avoir initier à ce protocole et en recherchant de la lecture je suis tombé sur ce blog (un beau hasard). Yannick, IADE au CLCC Oscar Lambret de Lille

Bonjour
Merci pour l’article
À Clermont-Ferrand nous utilisons maintenant la NA au Pousse seringue électrique diluée à 10 mcg/ml dès l’induction depuis 3 ans maintenant .
Très bon résultats. Et surtout une stabilité hémodynamique très agréable.
Jacques
IADE

Super article.

Je pense que la réticente de certaines équipes à faire de la NA est dû au côté pénibilité de mettre en place la SAP et compagnie… Dans mon bloc, c’est tellement peu habituel que lorsqu’un MAR veut en faire, c’est la réa qui est appelée pour nous préparer la seringue car on est en général déjà trop dans la moise pour avoir le temps de la préparer nous-mêmes…

:-/

Bonjour,

Je suis interne d’AR en Rhône-Alpes, êtes-vous convaincu(e) d’avoir comme objectif le sacro-saint débit cardiaque ? Je sais qu’on nous le sert à toutes les sauces, que bien des travaux ont montré l’intérêt de le monitorer, mais d’un autre côté beaucoup d’anesthésistes et d’intensivistes rappellent que ce n’est pas une variable hémodynamique « régulée », qu’il n’existe pas de « débit cardiaque normal » mais juste « adapté », à la différence de la pression artérielle, et que le véritable objectif devrait être la perfusion tissulaire (jugée sur la diurèse, les lactates, PCO2gap et autres NIRS…). Ceci n’enlève rien à l’intérêt d’utiliser la noradré plutôt que la néo, qui a montré justement une baisse de la perfusion cérébrale jugée par le NIRS comparée à la noradré, mais je voulais juste avoir votre avis sur ce débit cardiaque tant plébiscité par certains, et battu en brèche par d’autres (qui le regardent tout de même mais n’en font pas un objectif thérapeutique).

Bravo pour ce blog, qui amène sans cesse de belles reflexions sur la spécialité !

Bonjour,

je ne suis plus vraiment à jour des finesses philosopho-physiologiques, j’ai besoin que les jeunes viennent écrire et exposer leurs points de vue pour nourrir les échanges. Néanmoins, voici quelques idées :
– le débit cardiaque dépend beaucoup du réseau vasculaire d’aval n’est-ce pas ? Mais le problème c’est que
a) nos drogues anesthésiques diminuent beaucoup le tonus vasculaire, friend or foe ?
b) dès lors que nous ne sommes plus dans la physiologie pure et dure c’est bien là que les médecins ont leur place pour bricoler leurs solutions
– J’aime bien la solution de Minh parce que je suis content que l’on banalise l’utilisation de la noradrénaline. Comme je l’ai déjà écrit, on retarde son utilisation parce que le mot fait peur, c’est irrationnel. (J’ai le même discours sur le Valium, cf note sur l’hydroxyzine)
– J’aime d’autant cette solution que je fais overdose de discours sur la précharge et cie. Finalement, combien de travaux pour enfoncer le clou *vraiment* sur ce concept qui voudrait qu’être « précharge-indépendant » ça serait « optimal » ? Un peu dans la chir ortho avec du DO, ok. Avant, beaucoup de travaux foireux lorsqu’on a voulu aller encore plus loin en augmentant artificiellement le DC. Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Lorsqu’une situation hémodynamique se dégrade, j’essaye de prendre plusieurs paramètres en compte. Ce qui m’agace, c’est la lubie de remplir pour mettre les patients sur l’asymptote de la courbe précharge-VES.
– Le NIRS, je pense que c’est de la merde en branche. En tout cas, la littérature sur le sujet (j’ai écrit y’a longtemps sur ce BMJ dont vous parlez) m’a laissé de marbre. Et la ribambelle d’édito et d’artefacts en tout genre contribue au sujet (et puis je fais de l’ORL, pas de la CCV). Cette littérature m’a même convaincu d’éviter tous les gadgets de sport (MOXY sensor) qui se servent de ça alors que je suis très friand de ces joujous

Bonjour,

Merci pour ce commentaire sujet à réflexion.
Personellement je trouve la réponse très difficile.
Je pense qu’il faut optimiser le débit cardiaque (nombreux travaux à l’appui, dont des RFE de la SFAR, et une métanalyse parue récemment (Michard, BJA, juillet 2017)). -> diminution morbimortalité. Certes, il n’est pas régulé, il est adapté, mais quand on diminue la précharge intentionnellement, on le désadapte : il est donc désadapté. Et il ne peut pas faire autrement car c’est nous qui le désadaptons. Alors pourquoi ne pas le corriger ?
Je pense qu’il faut optimiser la pression artérielle (nombreux travaux à l’appui). Si on peut optimiser et débit cardiaque et pression artérielle, alors autant le faire.
Je pense qu’il faut optimiser la perfusion tissulaire : c’est bien sûr la finalité. Néanmoins, c’est impossible en pratique courante (pour répondre point par point) :
. diurèse : pas assez sensible, et retardée. Aussi adaptative. Le rein est intelligent, il fait son travail, et essayer de « relancer » la diurèse peut s’avérer délétère (surremplissage, BNP, lésion glycocalyx, etc…)
. lactate : trop gros flux (1200-1500 mmoL/24h) (production – consommation -> 1,5mmol/L environ) : quand ça va très mal, on le voit ; quand ça va mal et quand ça va normal, on ne le voit pas.
. pCO2 gap : utile mais discontinue, il faudrait le monitorer de façon continue, et nécessite bien sûr du monitorage invasif.
Bien sûr ce que l’on veut, c’est qu’au final la cellule respire bien et ne soit pas agressée. Et pour l’optimiser il existe des moyens simples, non invasifs, ayant montré leur bénéfice, alors autant les utiliser.

Je ne sais pas si ça répond à la question..

Pour moi c’est un peu comme si je donnais des coups de poing à des passants dans la rue. La mamie de 85 ans 52 kg en gardera des séquelles, le jeune homme de 25 ans 100 kg n’aura rien, la douleur sera adaptée, mais le top du top c’est qu’il y ait quelqu’un (comme un héros) qui viendrait s’interposer entre nous (ou soigner les blessures).. Respecter la douleur adaptée dûe à mes coups de poings ne serait peu être pas suffisant pour contribuer au bien être de ces passants. (c’est nul comme exemple ?).

Bien cordialement

Petite question pratique: l’utilisez vous sur une voie périphérique dédiée ou sur la même voie que les autres drogues? Car pour moi c’était le seul avantage de la neo de ne pas nécessiter une 2eme Voie peripherique. Merci

Si grosse chirurgie on multiplie les voies donc autant en dédier une pour plus de sécurité. Sinon, nous utilisons au quotidien un système de « pieuvre » sur nos voies périphériques pour
1) faciliter la réhabilitation
2) sécuriser l’AIVOC

Donc on branche facilement la noradré sur une des voies de la pieuvre et ça roule

Voici le montage :
KT et pieuvre
Donc sur le cathlon on branche la voie bi directionnelle avec le fluide porteur qui a une valve anti retour et sur l’autre voie on pose un bionecteur nommons le B1. Sur le bionecteur B1, on branche notre pieuvre pour les drogues d’anesthésie avec là aussi un bionecteur pour injecter sans réouvrir le circuit. A la sortie de bloc, on débranche la pieuvre du bionecteur B1 et le patient a une voie pour injecter facilement en urgence. C’est la solution la plus hygiénique que nous ayons trouvé pour limiter les manipulations des perfs. Ok ça a un coût mais visiblement le chef qui zieute toutes les commandes préfère mettre le paquet sur les lignes de perfusion.

Merci pour la réponse et la photo c’est très clair. Malheureusement nous n’avons pas ce genre de système mais pourquoi investir!

ok, utilisez vous des bionecteurs en plus ?

parce que si votre montage à l’avantage du cout, je trouve que notre montage à l’avantage de l’hygiène, surtout avec les bionecteurs qui évitent d’ouvrir les robinets pour injecter chaque drogue

Nous disposons de pieuvres mais parfois quand il y a des ruptures de stock nous utilisons ce système qui fonctionne très bien. 🙂
Il n’y a pas de contamination puisque nous ouvrons le bouchon pour brancher la rallonge AIVOC directement.
Concernant la contamination des bouchons et des robinets, reste à voir les études sur les patients, et Voir s’il y a réellement un avantage concernant les bioconnecteurs.. À suivre.

Perso je l’utilise :
. Si chirurgie non à risque hémorragique : même voie que les autres drogues. Induction : en bolus, +- entretien en boli itératifs ou ivse (mais si ivse -> vitesse importante (environ 30mL/h) qui permet de maintenir une variation minime de la quantité de noradrénaline à l’entrée de la veine). Je ne sais pas si je me suis bien exprimé, ms en gros sur une voie où il y a un robinet A et un robinet B, si le robinet A accueille de la noradrénaline à 30mL/h, le fait de faire un bolus sur le robinet B ne va pas faire grand chose.
. Si chirurgie lourde ou à risque hémorragique : une voie pour perfusion de base et drogues ivse (dont noradrénaline), et une pour remplissage et bolus.
En espérant avoir répondu à votre question.
Bien cordialement
Minh

Bonsoir, je suis étudiante IADE, je souhaiterai connaître les différents établissements et vos méthodes d’utilisation de la noradrénaline en cathéter périphérique au sein du bloc opératoire.
Merci beaucoup de votre aide.
Marjorie

bonjour, je suis une AR italienne (voilà la raison des erreurs de grammaire et orthographe que je vais faire) en France depuis 3ans. En Italie on utilisait souvent la NAD diluée (chez nous c’était 4mg en 250ml) surtout en chir cardiaque et vasculaire. J’ai essayé de proposer le même protocole où je travail maintenant (Ajaccio) mais je me suis senti répondre que on ne peut pas se permettre de dévier des protocoles habituels s’il n’y a pas une validation par des CHU (en mettant ça sur le compte d’un non spécifié risque médico-légale). Donc voici ma question: il y a des CHU français qui on mis par écrit qu’il faut utiliser de la NAD plutot que de la néo au bloc? personnellement je l’utilise déjà mais j’aimerais pouvoir le faire devenir une habitude du service pour obtenir aussi la compliance des IADEs.
Merci!
claudia

Benvenuta !

Votre question est difficile. Voici des éléments de réponses :
1) je n’ai aucune autorité pour valider l’utilisation d’une drogue par quiconque quand bien même je suis médecin anesthésiste dans un CHU
2) ce que l’on vous a répondu est une pirouette pour se dédouaner de la question
3) je connais beaucoup de médecins anesthésistes français qui utilisent la noradrénaline diluée que ça soit dans des hôpitaux (universtaires ou non) ou dans des établissements privés.
4) j’ai rédigé pour mon service un protocole d’utilisation stricte de la noradrénaline diluée. La majorité de mes collègues (médecins et infirmiers) sont très contents de cette pratique. D’autres continuent de faire autrement : éphedrine (long et cher) ou néosynephrine (pas terrible sur le plan physiopathologique n’est-ce pas ?). Je sais que mon patron a demandé la plus grande vigilance quant à l’utilisation de la noradrénaline diluée car des erreurs (de vitesse d’administration surtout) ont été observées. J’ai cru aussi comprendre qu’il a suspendu son utilisation dans le bloc où il travaille, c’est dire que le sujet peut être sensible.

En conclusion, je suis personnellement persuadé du bénéfice apporté au patient. Si on manipule cette drogue de réanimation avec la rigueur nécessaire c’est un grand plus pour le patient. Si on est laxiste dans son utilisation ça peut mener à des accidents graves.

Voici un canevas pour la rédaction de votre protocole dans votre équipe https://docs.google.com/document/d/1DUXoKSCgl4XMKudilaFotYFnhw5rz3kfnjK7kL4Afao/edit?usp=sharing l’une des clés a été de bien définir la poche dans laquelle la noradrénaline est diluée. Nous avons opté pour un système de perfusion qui ne se percute pas, ainsi pas de possiblité d’y brancher un perfuseur par mégarde. De plus, cette poche n’est jamais approchée d’autres perfusions qui pourrait être branchées sur des patients.

L’un des problèmes qui a été observé est que certaines personnes ont reliée une poche « source/mère » à une seringue autopulsée/seringue électrique par un système de robinet 3 voies pour reremplir régulièrement la SAP lors des chirurgies longues. Il faut éviter ce système car la noradrénaline peut couler en débit libre si le robinet est mal manipulé. Si on doit administrer de la noradrénaline pendant « longtemps » il faut revenir aux pratiques antérieures usuelles comme en réanimation (SAP de 0,2 ou 1 mg/ml selon vos habitudes) et dans l’idéal un soluté porteur qui « pousse » la noradrénaline (faites PUBMED GENAY ou LEBUFFE sur ce sujet) sur la voie proximale d’une voie centrale.

Forza ! et merci d’être passée par ici 🙂 (y’a aussi d’autres lectures sur le blog, un peu moins polémiques ;))

Che dire, merci beaucoup pour l’accueil et pour la réponse! Votre protocole (en Italie ça serait tout suite ‘ton protocole’… Mais je me retiens) est superbe, je dois avouer que je n’arrive pas à m’habituer à ces merveilles avec photos et descriptions multiples. C’est tellement différent chez nous! J’adore cette façon de faire, malgré des fois ça peut compliquer la vie (en Italie pas d’iade, donc un anesth par salle, donc chacun est roi chez soi = pas de protocole).
Discussion très intéressante!
Grazie,
Claudia

Bonjour Rémi et Minh,
Un petit coucou des Antilles ou je termine mon assistanat en anesthésie pédiatrique. Comment ca va à Lille?
Merci pour cet article très intéressant, sur lequel je suis tombé en faisant une recherche pour répondre à une question de nos réanimateurs pédiatriques. Ils doivent en effet gérer les enfants en post opératoires quand nous leur mettons une péridurale (trop de gag en service de chirurgie) mais ne sont pas à l’aise car pédiatres de formation et donc pas familiers des péri. Nous sommes donc en train d’écrire un protocole pour les aider à gérer les éventuels effets indésirables qu’ils peuvent rencontrer, notamment la nuit quand nous ne sommes pas sur place. Nous proposions des bolus d’éphedrine en cas d’hypotension. Leur politique étant d’utiliser un minimum de drogues bien connues par leurs IDEs afin d’éviter les erreurs de dilution ou autre problème, ils m’ont demandé si on pouvait remplacer l’éphedrine (qu’ils ne conaissent pas en pratique courante) par la NA dans le protocole. Sur le plan théorique j’imagine que oui puisque comme le rappelle Minh dans l’article l’ephedrine agit de manière indirecte en permettant la libération de noradrenaline endogène. J’aurais aimé trouver une équivalence de dose car j’avoue ne pas savoir quelle poso proposer dans ce cas. Auriez vous un avis sur la question? Je continue les recherches de mon côté mais peut être avez vous des éléments de réponses interessants ? Merci d’avance et à une prochaine!

Hello, je n’y connais rien du tout en pédiatrie mais la noradrénaline selon les habitudes d’utilisation dans ce service de réa me parait logique. sans doute qu’il faut modérer les posologies de départ par rapport à des patients choqués.

Pour quelles chirurgies mettez vous des péris ?

bye

Hello,
Merci à vous 2 pour vos promptes réponses.
On met des péri pour les gros chantiers d’orthopédie qui intéressent en général tout le membre inférieur (bassin, genou, cheville pied), parfois de manière bilatéral, chez des patients souffrant de malformations congénitales, maladie de Blount par exemple. En général c’est des ados assez corpulent donc finalement plus vraiment de la pédiatrie! Mais il est vrai qu’on a parfois des petits poids (et non pas des petits pois…)

Ma question ne portait pas sur la pédiatrie spécifiquement, j’aurais aimé savoir si on pouvait établir une correspondance de doses entre l’éphedrine et la noradrénaline (par exemple 9 mg d’ephedrine ont environ le même effet que … µg de NA).

Mais bon en tout cas je peux essayer de me baser sur ce que vous faites chez l’adulte pour l’adapter à l’enfant:
Minh tu parles de bolus de 8 à 32µg, ca me donne une vague idée (si on part d’un patient de 80 kg (pour simplifier les calculs…) ca fait à peu près du 0.1 à 0.4 µg/kg) .
Je vais continuer à chercher et à poser la question, merci en tout cas !
A bientot!

Merci à vous pour ce blog très intéressant qui éveille mon appétit intellectuel !
J’utilise également la NA au PSE très facilement sur les chirurgies longues à doses filées. L’idée des microbolus me plait bcp.
Baptiste, MAR libéral

les petits bolus ça peut sauver la mise sur une cata imprévue, mais dorénavant j’anticipe en branchant la SAP avant l’induction à 5-10 ml/h chez les fragiles souvent rapidement montée à 30-40 ml/h immédiatement après induction et c’est mieux je trouve

vous travaillez dans quelle région ?

[…] Noradrénaline et anesthésie. Un super post de NFKB, que nous avons cité plusieurs fois sur BLOCKCHOC. Il aborde les certainement trop délaissés bolus de Noradrénaline ou tout au moins pourquoi les bolus de Phényléphrine et d’Éphédrine ne sont pas ce qui se fait de mieux dans la gestion des hypotensions artérielles aiguë au bloc opératoire. À retrouver sur hic et nunc. […]

« La NA est un vasoconstricteur. Veinoconstricteur en grande partie, et aussi un peu artérioconstricteur.  »

Pas d’accord, la NA a certes un effet principalement alpha, mais aussi un effet isotrope bêta moins prononcé, qui est tout autant bénéfique.

Je travaille à Bruxelles et utilise la NA depuis des années, soit sur un octopus, soit en mettant un robinet distal branché sur la VVP avec une valve anti reflux.

Bonjour,
Je détère un peu le sujet. Minh, merci pour cet article que je me suis permis de citer comme référence pour notre protocole (l’autre étant la présentation de M Biais), et un bonjour d’Alsace en passant !
Si ça intéresse quelqu’un, j’ai récemment publié sur le site web de notre service notre protocole d’administration de noradrénaline : https://ghrmsa-anesthesie.fr/spip.php?article1 . Diffusé sous licence libre avec fichiers sources pour adapter à volonté texte et abaques.

Hello,

Quatre ans après, je relis ce billet et voudrais y apporter quelques remarques.

1) Merci à tou.te.s pour vos remarques / suggestions / retours, les échanges ont été vraiment enrichissants. A titre personnel, j’ai trouvé le format blog beaucoup plus abordable et impactant pour un changement de pratiques à grande échelle (pour pays francophones bien sûr) qu’un article pointu écrit en anglais dans une grande revue de médecine : donc encore merci à Rémi d’avoir publié ça sur son blog.

2) En relisant le billet, je ressens pleinement la conviction de l’auteur et son envie de convaincre ses collègues d’utiliser la noradrénaline en première intention pour traiter une hypotension artérielle dûe à l’induction anesthésique.

3) Quatre ans après, je suis devenu plus modéré en ayant appris une chose : la différence entre opinion personnelle et données factuelles. Je m’étais appuyé sur des données factuelles de mécanismes physiopathologiques, et les avais extrapolées pour me forger une opinion : bénéfice à l’utilisation de la noradrénaline pour traiter une hypotension artérielle sur le devenir péri-opératoire des patient.e.s (hors chirurgie cardiaque et obstétrique). Or, parmi les données factuelles (essais randomisés robustes analysant le traitement d’une hypotension artérielle par noradrénaline) sur le devenir des patient.e.s, aucune n’avait prouvé le bénéfice d’une utilisation de noradrénaline (en chirurgie non cardiaque et hors contexte obstétrical toujours, ce qui vaudra également pour la suite de ce message) sur un objectif de pression artérielle (absolu ou relatif). Il n’en existe toujours pas à ce jour (1).

4) « Bah si », me direz-vous : il y a l’étude de Futier, INPRESS, étude multicentrique prospective randomisée, française, publiée dans le JAMA en 2017 : une prise en charge individualisée de la pression artérielle par noradrénaline est bénéfique pour les patient.e.s sur les dysfonctions d’organes en post-opératoire, comparativement à une prise en charge traditionnelle (2). Voici quelques remarques sur cette étude :
4a) Bien qu’une phrase stipule « les deux groupes étaient comparables sur les caractéristiques de base », nous pouvons constater que 1) aucun test statistique n’a été décrit pour comparer les groupes, 2) concernant l’antécédant d’insuffisance cardiaque chronique : 17% dans le groupe individualisé versus 26% dans le groupe traditionnel, soit 50% de plus, défavorisant le groupe traditionnel, 3) concernant l’antécédant de coronaropathie, 13% dans le groupe individualisé versus 22% dans le groupe traditionnel, soit 70% de plus, défavorisant le groupe traditionnel. Donc au total, le résultat bénéfique du groupe individualisé est-il dû à l’effet de la prise en charge de l’hypotension artérielle individualisée avec de la noradrénaline, ou simplement à un handicap de base du groupe traditionnel, comprenant une proportion plus élevée de patients à risque ? La randomisation a pour objectif de s’affranchir des biais accidentels, mais elle n’est absolument pas une garantie de comparabilité des groupes, surtout dans des populations inférieures à 1000 sujets (3). Pour information ou rappel, la population étudiée dans l’étude INPRESS était de 292 patient.e.s.
4b) « Etude multicentrique », « randomisée », « JAMA », sont des mots qui peuvent incarner des arguments d’autorité et biaiser notre analyse : ces raccourcis cognitifs peuvent nous amener à croire aveuglément en la conclusion de l’étude. Une étude (4) analysant la comparabilité des groupes dans les études randomisées publiées dans les trois journaux de médecine ayant les plus hauts impact factors (New England Journal of Medicine, The Lancet, The Journal of the American Medical Association) sur une année (2017-2018) retrouvait : parmi les 142 études randomisées, 84% déclaraient avoir des groupes comparables. Pourtant, 57% des études n’avaient pas décrit les tests statistiques utilisés. Les 43% restants avaient décrit leurs tests, cependant inappropriés pour comparer les groupes. En effet, il s’agissait de tests statistiques traditionnels basés sur la p-value : grossièrement, la probabilité qu’une différence soit liée au hasard (traditionnellement < 5%). Pour rappel, ces tests sont souvent utilisés pour comparer des traitements (par exemple) sur un événement (exemple : mortalité) : si une p-value est < 5% sur un événement entre un traitement A et un traitement B, on en conclura que la probabilité liée au hasard entre le traitement A et le traitement B sur l’événement mortalité est inférieure à 5%, donc très peu probable = la différence sur l’événement mortalité serait donc causée par la différence entre les traitements A et B, et non dûe au hasard. C’est assez simpliste comme explication, par soucis de clarté : pour plus de détails, consulter la référence (5). Pour comparer les caractéristiques de base entre des groupes randomisés, donc a priori dûes au hasard, l’utilisation de ces tests est incohérente (note explicative : ils sont incohérents car la randomisation est littéralement le tirage au sort = le hasard. Donc si on retrouve une différence sur une caractéristique de base avec un p < 5%, qu’en conclut-on ? Que la différence entre les deux groupes n’est pas dûe au hasard ?). L’analyse post hoc de ces études par un test approprié (différences moyennes standardisées) a retrouvé que 34% de ces études avaient au moins une caractéristique de base non comparable.
4c) En conclusion pour cette partie, l’étude multicentrique randomisée publiée dans le JAMA en 2017 pourrait comprendre des biais accidentels, dont une répartition de base défavorisant le groupe traditionnel, ne permettant pas de conclure formellement à l’effet bénéfique d’une prise en charge individualisée de l’hypotension artérielle par noradrénaline.

5) Préjugés. Je pense qu’un des biais cognitifs majeur est l’existence de préjugés. En effet, je pense que la majorité des personnes s’intéressant à l’hémodynamie s’accorde à penser que physiopathologiquement, la noradrénaline est plus adaptée que la phényléphrine et/ou à l’éphédrine pour traiter une hypotension artérielle dûe à l’anesthésie, et qu’une prise en charge de cette hypotension artérielle est bénéfique (préjugé). Je suppose que si l’étude INPRESS avait montré un bénéfice du groupe traditionnel, la majorité des lecteurs aurait vu leur préjugé non validé, et aurait lu l’article dans les détails pour débusquer les erreurs méthodologiques. Cependant, comme l’étude a validé leurs préjugés, rares sont ceux qui ont analysé l’étude en vue de débusquer les erreurs méthodologiques. Respectivement, ces deux démarches intellectuelles portent les noms de « scepticisme sélectif » (4) et « biais de confirmation » (5).

Donc en conclusion, aucune étude robuste n’a montré à ce jour le bénéfice du traitement d’une hypotension artérielle par noradrénaline en chirurgies non cardiaques et hors contexte obstétrical. Vouloir traiter une hypotension artérielle par administration de noradrénaline ne révèle donc à ce jour que d’une opinion personnelle, et non de données factuelles.

Références :

1. Meng L. Heterogeneous impact of hypotension on organ perfusion and outcomes: a narrative review. Br J Anaesth. 2021 Dec;127(6):845-861.

2. Futier E, Lefrant JY, Guinot PG, Godet T, Lorne E, Cuvillon P, Bertran S, Leone M, Pastene B, Piriou V, Molliex S, Albanese J, Julia JM, Tavernier B, Imhoff E, Bazin JE, Constantin JM, Pereira B, Jaber S; INPRESS Study Group. Effect of Individualized vs Standard Blood Pressure Management Strategies on Postoperative Organ Dysfunction Among High-Risk Patients Undergoing Major Surgery: A Randomized Clinical Trial. JAMA. 2017 Oct 10;318(14):1346-1357.

3. Nguyen TL, Collins GS, Lamy A, Devereaux PJ, Daurès JP, Landais P, Le Manach Y. Simple randomization did not protect against bias in smaller trials. J Clin Epidemiol. 2017 Apr;84:105-113.

4. Nguyen TL, Xie L. Incomparability of treatment groups is often blindly ignored in randomised controlled trials – a post hoc analysis of baseline characteristic tables. J Clin Epidemiol. 2021 Feb;130:161-168.

5. Greenland S, Senn SJ, Rothman KJ, Carlin JB, Poole C, Goodman SN, Altman DG. Statistical tests, P values, confidence intervals, and power: a guide to misinterpretations. Eur J Epidemiol. 2016 Apr;31(4):337-50.

6. Galef J. The Scout Mindset: Why Some People See Things Clearly and Others Don't. New York : Portfolio, 2021. P. 68-69.

7. Lord, C. G., Ross, L., & Lepper, M. R. (1979). Biased assimilation and attitude polarization: The effects of prior theories on subsequently considered evidence. Journal of Personality and Social Psychology, 37(11), 2098–2109.

Erratum dans les références :
« Respectivement, ces deux démarches intellectuelles portent les noms de « scepticisme sélectif » (6) et « biais de confirmation » (7). »

Erratum :
« En effet, il s’agissait de tests statistiques traditionnels basés sur la p-value : grossièrement, la probabilité que la différence soit liée au hasard (traditionnellement < 5%) si on suppose que l'hypothèse est vraie"

Bonjour, je retombe avec joie sur votre blog maintenant que j’ ai accédé aux études d’infirmier anesthésiste. En ce moment je réalise mon deuxième stage de première année. Leur réalisation de dilution de baby NAD m’a interpellé. En effet lors de mon premier stage au CHU j ai pris connaissance de la dilution de 16 mcg/ml avec pour modalité une ampoule de 8 mg de noradrénaline dans 500 ml de nacl.
(Je ne reviens pas sur le débat G5% versus Nacl 0.9%)

Hors ici l’ex chef de service part du postulat (a juste de titre après vérification sur le site de l ansm)
« Pour 1 ml de solution à diluer pour perfusion.

Une ampoule de 4 ml contient 8 mg de tartrate de noradrénaline (correspondant à 4 mg de noradrénaline base). »
https://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr/affichageDoc.php?specid=64234749&typedoc=N#Ann3bQuestceque

Et qu’avec la dilution précédente nous étions donc à 16 mcg/ml de tartrate de NAD et donc 8 mcg/ml de NAD base.

Du coup en voulant faire la même dilution nous faisons du simple au double…

C’est la première fois, après 8 ans de carrière IDE réa / urgences / samu que j’entends cela. Est ce que quotidiennement en France nous faisons un abus de langage en employant le terme noradrénaline au lieu de tartatre de noradrénaline ?

Après recherche auprès de l ansm toute les molécules commercialisés sont du tartatre de NAD donc déjà pas de confusion de se côté là.

Avez vous connaissance d’autre endroit en France qui fait la distinction NAD tartrate ou NAD base ?

Merci de m’avoir lu.
Thomas.

Bonjour, je vous réponds « vite fait ».
C’est un sujet récurrent que vous soulevez. D’après ce que j’ai compris dans d’autres pays y’a d’autres sels de noradrenaline. C’est donc important dans les publications scientifiques de s’entendre sur ce dont on parle pour transposer la réflexion d’un pays à l’autre. Cherchez sur Twitter il y a eu des discussions à ce sujet. Mon TL;DR En France OSEF car pareil partout…

Merci Minh pour cet étude pilote de Matthieu Legrand.
Tu en es où dans ta pratique toi ? Tu continues de faire des SAP de noradrénaline diluée à 16 gammas/ml ? tu en fais l’explication dans les hôpitaux aux 4 coins du monde ?

Hello Rémi !
Je continue de l’utiliser, oui toujours (dans le sens ‘encore’) à 16 µg/mL (si j’arrive dans un nouvel endroit, j’utilise leurs protocoles).
Je l’utilise avec un objectif de PAm > 60 mmHg (étude de Wanner, JACC 2021). Je ne sais pas si c’est bénéfique (versus respecter une PAm à 55 par exemple). En effets métabo potentiels (carcino, infectio, …), c’est moins délétère (versus 65).
Oui je continue de faire des topos pour internes / collègues / IADEs : pas sur les vasopresseurs en eux-mêmes, mais plutôt sur notre démarche intellectuelle, illustrée par l’utilisation des vasopresseurs (biais cognitifs, etc…).
Et toi ?

Bonjour,
Actuellement, je mène une recherche sur l’utilisation de la noradrénaline diluée au bloc opératoire.
J’ai constaté qu’il existe peu d’articles scientifiques sur son utilisation, en dehors de l’obstétrique pour les césariennes programmées après rachianesthésie, ainsi que des études sur son utilisation au dosage entre 5 et 16µg/ml sur voie veineuse périphérique pour démontrer que les cas de nécrose par extravasation sont rares.
Cependant, je n’ai trouvé aucune information sur les dosages appropriés à administrer ou à préparer pour d’autres interventions chirurgicales.
Existe-t-il des études disponibles suggérant un dosage préférentiel face aux multiples dilutions présentes ( 5µg/ml, 10µg/ml, 16µg/ml, 20µg/ml, 32µg/ml etc..), en fonction de la spécialité chirurgicale, de la durée de l’intervention, du terrain du patient, du calibre de la voie veineuse périphérique, ou du type de monitorage prévu ? Pourquoi avoir choisi la dilution de 16µg/ml dans vos services ?
Si vous avez des articles à recommander sur ce sujet ou si vous avez votre propre expertise sur ces questions, je serais reconnaissant de vos conseils.
Merci

Bonjour John,
Je n’ai pas connaissance d’articles comparant les différentes dilutions.
Je pense que ce qui est important, c’est de faire la même au sein d’un service, afin d’éviter les erreurs de préparations / étiquetages / administrations.
Pour ma part, j’avais choisi la 16 µg/mL pour sa simplicité : 1 ampoule de 8 mg dans 500 mL de soluté = 16 µg/mL ; et tout le monde pouvait se servir dedans.
Amicalement,
Minh

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