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Les esters de cétones sont-ils dangereux ?

Après l’excellent article d’Antoine Vayer dans le Monde sur le régime low-carb et les cétones publié mardi dernier, l’Equipe a aussi publié un article sur les cétones avec plusieurs avis de médecins d’équipes françaises et Ouest France en rajoute une couche aujourd’hui avec une interview du docteur Menuet.

Ils sont tous très prudents sur le sujet. Passons sur les arguments genre « ouin ouin on n’a pas d’études chez des cyclistes professionnels »… et voyons un peu plus le fond.

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J’ai testé les esters de cétone

ah ah ah j’en vois déjà qui se marrent ! je les comprends, je me moque souvent de moi-même aussi ! Mon appétit pour les expériences sur moi-même et la recherche de performance dans le sport me poussent souvent à faire des choses aux frontières de la rationalité, le dernier truc pour moi : gober des esters de cétones.

En l’occurrence, il n’y a que deux marque sur le marché HVMN et KetoneAid. Le premier est très marketé, le deuxième fait plus « popote entre doux dingues », j’ai donc acheté le dernier 🙂 KetoneAid c’est du D- Beta Hydroxybutyrate/ D 1,3 Butanediol Monoester.

Pourquoi cet achat ? Parce que je suis séduit par le potentiel métabolique des cétones. L’utilisation de cétones existent depuis quelques années dans le peloton Pro Tour (il y a quelques histoires marrantes à ce sujet d’ailleurs) et j’achète l’idée de faire tourner la production d’ATP à partir de sucre, de gras et de cétones. L’utilisation des cétones engendrerait une moindre glycolyse (moins de lactate) et une épargne de glycogène. Sur les épreuves d’endurance longue qui me plaisent, je trouve ça intéressant. En plus les cétones ont beaucoup d’autre actions dont on pourrait des bénéfices sanitaires (modulation voie NLRP3) voire en récupération sportive.

D’après la référence #3 de la biblio

Première aventure : commander un produit qui n’est pas exporté hors des US actuellement. Je vous la fais courte, les services de forwarding, ça coûte  mais c’est efficace. DHL Express très efficace et simple pour payer les frais de douane. Service de forwarding payé jeudi, paquet reçu lundi matin, je trouve ça balaise.

A la réception du produit, tout excité je fais le kéké, ni une ni deux j’avale les 30g de KE4 à  11h du mat’ sans lire le mode d’emploi. C’est effectivement très très fort en goût mais moins dégueu que ce que j’imaginais.

Ça reste une expérience désagréable. Je mange un peu pour faire passer le goût et je monte sur mon home-trainer. Je rentre assez vite dans un état inhabituel. Je ne sais pas dire si je suis bien ou mal mais je me sens différent de d’habitude. Le corps ne doit pas comprendre grand chose. Par la suite, plusieurs sensations curieuses : satiété pendant de longues heures alors que je suis un grignoteur de première, surtout après le sport, et la sensation que mon cœur bat plus vite que d’habitude au repos (corroboré à posteriori par les données de ma montre). Premières leçons : il se passe quelque chose mais il faut lire le mode d’emploi.

Alors le mode d’emploi dit d’y aller progressivement, que 30g c’est pour les athlètes pro (pêché d’orgueil). Il vaut mieux commencer par 5g, à jeun, et faire passer le goût avec de l’eau gazeuse. En effet, j’ai appris qu’avec 30g de KE4, la glycémie baissait par la suite (dans les études ça tombe vers 4 mmol/l au bout d’une heure) ce qui peut être préjudiciable dans le sport et requiert tout un protocole de gobage de sucre en amont de l’effort et franchement ça me parait difficile de trouver le bon timing pour bien digérer des gels puis le KE4 juste avant le départ d’un triathlon (cf suite.)

J’ai donc essayé ensuite 5g à jeun avec home-trainer direct dans la foulée sans manger. Là, la séance s’est très bien passée et je n’ai pas eu de sensations bizarres. Il y a t il un bénéfice sportif à faire ça : ???. Il y a t il un risque à faire ça régulièrement : oui, la banqueroute.

J’ai ensuite essayé de mélanger 5g avec de l’eau et du sucre. Et je suis parti courir à vite. Là aussi ça s’est bien passé. Ca donne une boisson dont le goût ressemble un peu à du Red Bull. Pas trop ma tasse de thé, mais ça s’est bien passé.

Fort de mes les lectures du site KetoneAid après mon premier shot avalé comme un con, je vois que beaucoup de gens tirent profit d’une petite dose au coucher pour la qualité du sommeil profond. Je teste trois fois (dont une fois en garde) et je donne aussi une autre dose à mon entourage. Ca se passe bien. Une sensation de sommeil profond intense. La fin de nuit a été un chouilla plus agité mais la première partie m’a donné l’impression de dormir comme une pierre. Les données de ma montre (pour ce qu’elles valent hein) vont aussi dans ce sens et le ressenti de mon entourage aussi. Là aussi ça fait cher le petit coup de pouce pour le sommeil mais pourquoi pas.

Après tous ces essais, j’étais confiant pour l’utiliser lors du Triathlon des lacs à Troyes. C’est une course que j’aime bien mais je ne l’avais pas comme objectif principal cette année. Plutôt une répétition avant Challenge Almere. J’ai donc essayé de construire un protocole pour tester KE4 en course. En gros, l’idée était de boire un shot de 5g juste avant le départ et de rincer le goût avec de l’eau gazeuse. Puis de siroter un mix de Maurten avec 5g de KE4 en deuxième partie de vélo. Long story short : je suis content de mon chrono mais j’ai eu des sensations gastriques désagréables et c’est inhabituel pour moi. Pas de résultat magique pour moi et je l’ai donc plutôt mal toléré. Je l’ai probablement pris trop tôt avant le départ.

J’ai vraiment appris avec mes lectures sur le sujet que l’utilisation d’ester de cétone pour le sport est un sujet complexe. C’est très différent du gobage d’une gélule de caféine. En effet, les esters peuvent aussi poser des écueils dans le sport : gêne gastrique comme j’ai eu, « hypoglycémie » réactionnelle (autour de 4 mmol/l), inhibition de la pyruvate deshydrogénase et gêne dans les efforts courts et intense (passage d’une belle bosse à vélo par exemple) du fait de la diminution de la glycolyse.

Néanmoins, je trouve le sujet passionnant. Notamment, parce qu’il permet de se replonger encore et toujours dans le métabolisme. Je peux lire encore et encore sur ce sujet, il me parait tellement complexe que je peine à dégager un panorama clair. Même avec le coût élevé de la boisson j’ai envie de continuer à faire des essais avec. Je pense en prendre lors de mon prochain jeune en cas de coup dur et aussi lors de sortie vélo en endurance fondamentale, j’essaierais alors d’y aller à jeun et de voir ce qui se passe avec le KE4, combien de temps avant de sentir un coup de marteau cher à Laurent Fignon.

update juillet 2019 : ça y est ça cause cétones dans le podcast de Lance Armstrong :

1.
Poffé C, Ramaekers M, Thienen RV, Hespel P. Ketone ester supplementation blunts overreaching symptoms during endurance training overload. The Journal of Physiology [Internet]. [cited 2019 Jun 8];0(0). Available from: https://physoc.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1113/JP277831
1.
Cox PJ, Kirk T, Ashmore T, Willerton K, Evans R, Smith A, et al. Nutritional Ketosis Alters Fuel Preference and Thereby Endurance Performance in Athletes. Cell Metabolism [Internet]. 2016 Aug 9 [cited 2019 Jun 6];24(2):256–68. Available from: http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1550413116303552
1.
Evans M, Cogan KE, Egan B. Metabolism of ketone bodies during exercise and training: physiological basis for exogenous supplementation: Ketone bodies and exercise. The Journal of Physiology [Internet]. 2017 May 1 [cited 2019 Jun 6];595(9):2857–71. Available from: http://doi.wiley.com/10.1113/JP273185
1.
Stubbs BJ, Cox PJ, Evans RD, Santer P, Miller JJ, Faull OK, et al. On the Metabolism of Exogenous Ketones in Humans. Front Physiol [Internet]. 2017 Oct 30 [cited 2019 Jun 6];8. Available from: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5670148/