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Les débuts du magnésium en anesthésie

Twitter est retors, qui en douterait  ? alors que mon addiction pour le réseau social s’estompait à force d’être fatigué par ce que j’y lisais, un tweet sauvant le bébé avec l’eau du bain est apparu dans ma timeline :

Et voilà, je fais connaissance avec un collègue d’outre atlantique qui se passionne aussi pour une certaine façon de faire de l’anesthésie : utiliser moins de morphiniques.

Il est intéressant de noter que ce qui me semble être un des moteurs de sa stratégie est la terrible épidémie de toxicomanie aux opiacées dont souffre l’Amérique. Je pense qu’il veut limiter son utilisation des morphiniques pour éviter les phénomènes de tolérance aiguë (que je ne vois pas trop en pratique) et épargner au patient tout morphinique post-op qui pourrait le mener à une consommation récurrente et à l’addiction. Chez nous, je n’ai pas l’impression que la prescription d’une boîte de paracétamol+codéïne à la sortie de l’hôpital mène à tout ça mais je n’ai pas plus de recul que l’appel téléphonique systématique du lendemain. Bref.

S’en suit une discussion sur l’utilisation du sulfate de magnésium en anesthésie, il a l’air plus convaincu que moi et me transmet tout une biblio intéressante. Il y a notamment dans le lot un article de 1916 décrivant les premières utilisations chez l’homme à visée anesthésique.

Voici le troisième cas clinique qu’ils présentent dans cet article :

Plus de 500 mg par minute ! Soit environ une ampoule de MgS04 à 15% toutes les 3 minutes. Au démarrage de l’intervention, je comprends qu’ils ont accéléré la perfusion jusqu’à donner 1,3 g/min de MgSo4 pendant 13 minutes ! Don’t do this at home !

 

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L’anesthésie sans morphinique : OFA

Alexis, interne d’anesthésie, m’a contacté pour faire une note sur l’anesthésie sans morphiniques. Je lui cède la parole :

Vous avez dit 0 opioïde ?!

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Impact de l’anesthésie sur l’évolution tumorale

Bon article de synthèse dans Anesthesia & Analgesia du mois de Mai 2017.

Perioperative Anesthesia Care and Tumor Progression

Sekandarzad, Mir W. FANZCA, FFPMANZCA, DESA*; van Zundert, André A.J. MD, PhD, FRCA, EDRA, FANZCA*; Lirk, Philipp B. MD, PhD; Doornebal, Chris W. MD; Hollmann, Markus W. MD, PhD, DEAA

pdf

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Merci la Chirurgie, histoire d’un petit sprat*

Merci la Chirurgie

Je suis né le 24 novembre 1980. C’était un lundi je crois. C’est toujours un peu plus difficile le lundi !

A ma naissance, l’examen clinique a trouvé un souffle cardiaque important. J’avais un trou entre mes deux ventricules ce qui pertubait quelque peu les flux sanguins. Heureusement, une autre malformation me protégeait de la première : ma valve pulmonaire est un peu trop petite, les docteurs parlent d’une sténose pulmonaire. On dit que ma sténose me protège des conséquences de ma CIV car elle évite de surcharger l’artère pulmonaire qui n’encaisse pas très bien le surplus de boulot en général.
ett-preop

Quand bien même une anomalie compense une autre, mon petit coeur devient gros. Il se fatigue. J’ai du mal à prendre un biberon sans m’étouffer et du coup je ne grandis pas. C’est couillon car les docteurs voulaient que je fasse au moins 7 kg pour m’opérer. Chiffre magique.

J’y suis arrivé (aux sept kilos) et le 11 mai 1982 j’ai été opéré d’une communication interventriculaire sous infundibulaire au centre médico-chirurgical de Marie Lannelongue. Le Professeur Jean-Paul Binet a donc ouvert mon thorax de sprat* pour aller mettre une rustine dans mon septum interventriculaire.

L’intervention s’est bien passée, celui qui se décrivait comme « un mécano de Dieu »  était satisfait de son geste.

cro

Le post-op a quand même l’avoir d’avoir été émaillé de complications histoire d’angoisser encore un peu plus mes parents qui devaient déjà avoir leur dose. Hum. Joueur je suis.

Finalement, je sors plutôt bien de cette histoire. Je grandis, les cardiologues qui me suivent jusqu’à mes 20 ans sont tous rassurants*** : « super résultats, il fera ce qu’il veut dans la vie, limitez peut-être juste le sport en compétition. »

Aujourd’hui, je connais mon corps, je sais qu’il a des limitations. Ma valve pulmonaire est toujours rétrécie. Mais je n’y pense pour ainsi dire jamais. A tel point que j’établis des stratégies d’entraînement sportif alambiquées pour grignoter des secondes dans un triathlon alors même que j’aurais toujours un petit frein dans ma poitrine.

J’en viens quand même à l’objet de cette note. J’ai essayé d’écrire au CMC Marie Lannelongue mais je m’y suis pris trop tard, le Pr Binet était décédé. Alors comme on peut tout faire avec Internet, j’ai décidé de faire cette note pour traduire ma gratitude. Sans la Science, sans les Hommes qui la font, je ne serais pas là aujourd’hui. Ça m’a parfois angoissé dans mon enfance lorsque j’ai compris que je devais la vie à la culture, que dans la nature brute, je serais mort d’insuffisance cardiaque. Aujourd’hui, je trouve ça con. Alors voilà, juste merci.

merci à vous !
merci à vous !

 

 

 

*argot dunkerquois, synonyme de craquelot**

** comprendre petit poisson, des fois on voit à travers !

*** par contre après j’ai rencontré quelques khons comme écrirait Docdu16.

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Patchwork estival

  • J’ai eu la chance d’aller gambader trois jours entre le massif du Mont-Blanc et le Beaufortain. Comme l’année dernière, j’ai participé à une « reco » trail organisée par l’organisme WAA. C’était le bonheur, la montagne me met de bonne humeur et les jambes ont tenu le coup. Je conseille aux amoureux du trail ce genre de formule, c’est super ! (Vidéo bonux)IMG_4559
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Crico

Contrôle des voies aériennes par une cricothyroïdotomie + jet-ventilation à haute fréquence pour une sténose de la filière laryngée sus-glottique d’étiologie rare. L’objectif était de pouvoir faire une micro-laryngoscopie en suspension +/- un traitement endoscopique par laser. La filière a été évaluée comme très précaire juste avant en naso-fibroscopie (environ 4 mm de diamètre.)

Longue préoxygénation en position proclive. Repérage de la membrane crico-thyroïdienne. Anesthésie locale du point de ponction. Rémifentanil en AIVOC pour la sédation.

Attention cette vidéo peut choquer un public non averti.

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Le Ringer Lactate est sûr en cas d’hyperkaliémie et c’est mieux que le salé

Cet article est la traduction d’un billet  de Josh Farkas du blog PulmCrit.org. (NB je continue d’utiliser le pronom personnel à la première personne mais je ne suis pas l’auteur de ce billet)

Lutter contre les idées reçues : Le Ringer Lactate est sûr en cas d’hyperkaliémie, et c’est mieux que la solution salée isotonique.
Introduction

Il y a quelques mois, j’ai fait une longue note sur le remplissage vasculaire en fonction du pH du patient . J’y ai déjà discuté le fait que l’utilisation du Ringer Lactate (RL) est sûre en cas d’hyperkaliémie. Malgré tout lutter contre les idées reçues reste difficile.  Le dogme comme quoi le RL doit être évité en cas d’hyperkaliémie continue d’être suivi que ça soit dans la vraie vie ou dans les réseaux sociaux. Ce mythe me rend dingue parce que je trouve que c’est non seulement faux mais il s’agit en plus une erreur de raisonnement. J’ai écrit ce billet pour essayer de démystifier cette situation.

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Les béta-bloquants c’est pas tout le temps

Je me souviens bien d’une de mes premières visites pré-anesthésiques en premier semestre. Il s’agissait d’un patient au système cardio-vasculaire abîmé par le temps, la cigarette et un régime chti Deluxe. Peu habitué aux soins médicaux il n’avait pas de traitement. Les publications sur les béta-bloquants en périopératoire fleurissaient à l’époque et je me trouvais malin de réfléchir à une prescription d’un bétabloquant la veille de son intervention orthopédique… aujourd’hui je ne me pose plus ce genre de question, j’ai en effet un peu tendance à me méfier des béta-bloquants en périopératoire.

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Ma séquence d’induction en chirurgie viscérale

Je continue ma série de fiches de cuisine avec la description de ma pratique de l’induction anesthésique pour de la chirurgie viscérale. Ici la description de la majorité de mes inductions pour un patient « classique » en chirurgie digestive majeure.

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Mystery Medicine

Des fois on ne comprend rien… eh bien là c’est le cas… et on le sent bien…

<< Monsieur le Professeur et Cher Maître,

Votre patient, M Maison, 38 ans, cadre commercial, a présenté une acidose métabolique d’origine mal déterminée en post-opératoire immédiat d’une cholecystectomie simplex réalisée via laparoscopie par les soins du Pr TresFier. Il n’y avait aucune particularité anesthésique pour la prise en charge pré et per-opératoire de M Maison.

Ses principaux antécédents sont une obésité, un asthme avec tabagisme persistant et une dyslipidémie. Il ne prend comme traitement que des béta-mimétiques de façon occasionnelle.

Au réveil, M Maison a fait une détresse respiratoire bronchospastique associée à une agitation. Il n’existait alors pas d’arguments pour une iatrogénie liées aux drogues d’anesthésie (réveil dans les conditions usuelles de sécurité conformément à la pharmacocinétique des drogues anesthésiques et réversion de la curarisation par sugammadex.)

M Maison a alors été à nouveau endormi pour gestion de sa détresse respiratoire. En salle de réveil, M Maison est intubé/ventilé et sédaté. Il nécessite d’important besoin en oxygène avec une FiO2 à 100% pour maintenir une SpO2 > 94%. L’hémodynamique est stable avec une pression artérielle à 143/65 mmHg et une fréquence cardiaque à 92 bpm. L’auscultation trouve des sibilants diffus. On pose alors le diagnostic de crise d’asthme chez ce patient tabagique connu pour être peu stable sur le plan de sa maladie asthmatique. Il n’existe pas d’argument clinique pour une anaphylaxie. La biologie montre une acidose mixte (plus franchement respiratoire) avec un pH à 7,1 une PaCO2 à 67mmHg et des bicarbonates à 21mmol/l ; Na 140 mmol/l, K+ 4,3 mmol/l Cl- 107 albuminémie à 45 g/l

Le traitement est alors débuté comportant l’administration de methylprednisolone et béta-mimétiques en aérosols et en intraveineux associée à du sulfate de magnésium. La ventilation artificielle est optimisée conformément aux recommandations dans ce contexte.

La radiographie de thorax au lit montre un parenchyme normal, une sonde d’intubation en place et une cardiomégalie pour le peu que l’on puisse en juger sur une radiographie au lit.

Le bronchospasme et l’hypoxémie s’améliorent rapidement, mais une acidose métabolique inexpliquée se développe. Ainsi deux heures après le début de la prise en charge, le gaz du sang est le suivant : pH 7,21 PaCO2 43 HCO3- 18 Na 138 K 3.1 Cl 108 lactate 750 mg/l (8 mmol/l). L’hémodynamique est alors stable. Sans aucun stigmate de chute du débit cardiaque.

Une angiotomodensitométrie des artères pulmonaires est rapidement réalisée écartant l’hypothèse une embolie pulmonaire. Il n’existe qu’une atéléctasie très modérée de la base droite.

Le patient est alors transféré aux Soins Intensifs Post-Opératoire (SIPO) où il bénéficia rapidement d’une échographie cardiaque retrouvant un VG de taille limite (DTD 60 mm, VTD 180 ml) sans HVG, une FEVG à 65 % sans troubles de la cinétique segmentaire. Des pressions de remplissage basses. Pas de signes de cœur droit ni d’HTAP et un péricarde sec.

Aux SIPO, M Maison présente alors trois problèmes concomitants :
1) Aggravation de l’acidose métabolique avec un pH à 7,21 PaCO2 à 36 HCO3- à 14.1 lactatémie 800 mg/l avec ionogramme superposable aux précédents
2) Collapsus tensionnel répondant très favorablement au remplissage avec discrets stigmates de souffrance cardiaque et rénale (troponine à 0,45 ng/l, urée à 0,4 mg/l et créatinémie à 15 mg/l)
3) Hyperglycémie majeure à 4 g/l sans cétonurie malgrés posologie importante d’insuline en intraveineux

La prise en charge a alors consisté en une discussion multidisciplinaire concluant à :
– une surveillance armée quant à la possibilité d’une reprise chirurgicale (pas de signe clinico-biologique compatible avec une complication abdominale, lipase normale, palpation normale, chirurgie simple)
– majoration des posologies d’insuline
– remplissage vasculaire par solution salée isotonique
– arrêt de la sédation par propofol et remifentanil

L’évolution de M Maison a été favorable, avec amélioration de l’acidose et retour rapide à une conscience normale permettant l’extubation sans complication dans la nuit. L’évolution de M Maison a alors été parfaitement simple permettant son retour dans le service.

Le lendemaine la biologie montre une amélioration de l’acidose :
pH 7,42, PaCO2 29 HCO3- 18 Na 141 K 3,5 Cl 115 albuminémie 35 g/l // Na(u) 42 mmol/l K(u) 32 mmol/l

Au total, M Maison a fait une crise d’asthme au réveil immédiat ayant pour facteur favorisant un asthme peu stabilisé et un tabagisme actif.
Cette détresse respiratoire s’est compliquée d’une acidose métabolique pour laquelle nous avons plusieurs hypothèses :
– acidose liée à une décompensation par le stress péri-opératoire et les corticoïdes d’un diabète sous-jacent. Cette acidose serait liée à la production de métabolites type beta-hydroxy-butyrate
syndrome de perfusion du propofol a minima. Bien que M Maison ait reçu une sédation courte à des posologies adaptées (entre 2 et 3 mg/kg/h) et qu’il n’ait pas présenté les signes classiques (toxicité cardiaque, rhabdomyolyse marquée et modification de la couleur des urines) nous ne pouvons pas écarter cette hypothèse notamment du fait de l’amélioration rapide à l’arrêt de la sédation et des facteurs déclenchants que constituent l’hypoxie et les corticoïdes.
– Enfin, ces troubles ont pu être précipités par certains facteurs favorisant comme le jeune et la réalisation récente d’un régime avec potentielle diminution des apports en thiamine.

Pour la suite, nous préconisons :
– une vigilance périopératoire accrue quant au risque respiratoire
– une optimisation de la maladie asthmatique avec arrêt impératif du tabagisme
– un suivi métabolique rapproché devant la très forte probabilité d’intolérance au glucose voire de diabète
– un encadrement médical quant aux modalités de régime
– un examen cardiologique à moyen terme en gardant en mémoire l’intérêt d’une épreuve d’effort chez ce patient cumulant les facteurs de risques

En vous remerciant pour votre confiance, veuillez recevoir, Monsieur le Professeur et Cher Maitre, mes salutations les plus respectueuses.
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Je dis souvent avec les étudiants qu’il faut essayer d’être uniciste. Lorsque l’on écrit sur sa copie un truc tordu, c’est souvent que l’on est à côté de la plaque. J’ai un peu ce sentiment là maintenant tout de suite…

UPDATE : TOUTE LA BIOLOGIE AUX SIPO EST LA

PREOP

Propofol infusion syndrome

Syndrome de perfusion du propofol

Lactate et asthme aigu 1

Lactate et asthme aigu 2